Après le choc de Grave, Julia Ducournau revient, en lice pour la Palme d’Or à Cannes, avec un choc encore plus brutal : Titane, un vrai geste de cinéma, qui, à la manière de Cronenberg, s’appuie sur le cinéma de genre pour nous parler de sexe, d’amour, de mort aussi. Déconseillé quand même aux âmes sensibles !
Il vaut mieux ne rien savoir de l’histoire de Titane avant d’entrer dans la salle, et la bande-annonce comme le résumé de présentation du film sont habilement trompeurs, ce qui est une bonne initiative. Par contre, il vaut mieux être prévenus que le niveau d’inconfort physique que génère le nouveau long-métrage de Julia Ducournau est extrêmement élevé, et que son visionnage pourra même s’avérer insupportable pour certains. Comme ce fut le cas pour Grave, rappelez-vous de ces histoires de spectateurs vomissant pendant la séance !
En essayant de ne rien révéler de l’intrigue, disons que l’influence de Cronenberg sur le thème du film est très forte (comme dans Crash, l’osmose avec la voiture ; comme dans tous les Cronenberg première période, le corps comme champ de bataille entre la violence de la réalité et la profondeur de la psyché), mais que formellement, Ducournau remplace la froide élégance du maestro canadien par une incandescence permanente, très rock’n’roll d’ailleurs : le film débute sur un morceau sanglant de The Kills, et l’une de ses plus belles scènes est une danse / transe sensuelle de sapeurs-pompiers virils sur un morceau de Future Islands.
Mais de quoi parle donc ce film ? Au-delà, bien au-delà du « cinéma de genre » – une étiquette vraiment trop rassurante pour un tel film -, Titane parle de la masculinité toxique (amis fans de Fast and Furious, bonjour, vous risquez de ne pas trop aimer le traitement qui vous est réservé…), de la perméabilité des genres (amis de la Manif pour Tous, vous allez détester l’ambiguïté totale entre les sexes décrite ici), de l’Amour sous toutes ses formes (amis bien-pensants, vous haïrez la tentation d’un amour incestueux présenté comme salut potentiel), et bien entendu de la violence contre l’autre comme seule manière d’exister (amis fans de films de serial killers US, préparez-vous à trembler devant de la violence à l’écran, de la VRAIE).
Impossible de ne pas mentionner malgré tout les performance physiques et émotionnelles extrêmes du formidable Vincent Lindon en capitaine des pompiers luttant contre l’âge grâce à la chimie, et de l’inconnue Agathe Rousselle en métamorphe de quasi-SF, et pourtant en fait en vraie femme complètement de notre époque.
Bref, même si (et aussi parce que) nombreux sont les spectateurs qui protestent contre la violence des images et le « manque de clarté » de l’histoire, Titane est l’une des expériences de cinéma les plus extrêmes, mais aussi les plus pures vues depuis longtemps.
Et puis, après ça, vous n’écouterez plus la Macarena de la même manière !
Eric Debarnot