Nostalgique de l’époque du grunge, de la noisy pop, des distorsions psychédéliques ? Le second album d’Acid Dad est pour vous : d’une évidence souveraine, il s’inscrit pourtant bien dans notre époque, et pourrait être l’acte de naissance d’un futur groupe important.
Quelques mesures de Searchin’, le premier titre de Take It From the Dead suffisent normalement à situer géographiquement Acid Dad : forcément new-yorkais, très probablement de Brooklyn (gagné !), cette musique est fidèle à ses origines, le punk rock de la Grosse Pomme, tel qu’il fut inventé simultanément à l’explosion londonienne (les experts nous rectifieront, le mouvement punk new yorkais fut en fait antérieur à son cousin anglais…). Mais Take It From the Dead assume aussi de grosses influences du plus célèbre groupe new-yorkais – après le Velvet Underground, quand même : Sonic Youth. Rajoutons un soupçon de shoegaze, de Pavement et de Nirvana, la référence incontournable quand il s’agit, comme ici, de conjuguer pop songs et guitares brouillonnes et furibardes, et nous avons fait le tour du sujet.
Mais ce qui distingue du commun des mortels ce groupe, qui existe depuis 2014 et qui en est à son second album, c’est sa capacité à composer des titres accrocheurs, voire même irrésistibles : dès la première écoute, et derrière la distorsion omniprésente, chaque chanson de Take It From the Dead sonne parfaitement évidente. Le groupe s’inscrit logiquement et confortablement dans un courant noise psyché – shoegaze – slacker, ce qui en fait, et admettons que cela puisse lui être reproché, une musique certes sans grande surprise, mais qui se rachète grâce au plaisir immédiate qu’elle génère. Et puis, en vrais punk rockers New-Yorkais, les musiciens de Acid Dad sont évidemment « branchés DIY Art », puisqu’ils produisent leurs propres vidéos – avec l’aide de l’artiste Webb Hunt -, et qu’ils construisent leurs propres guitares !
Vaughn Hunt et Sean Fahey (guitares et chant), sans bassiste puisqu’il semble que trouver un bassiste ait toujours été un défi insurmontable dans l’histoire du groupe, mais soutenus à la batterie par Trevor Mustoe, ont donc ce talent rare de nous pondre trente-cinq minutes de Rock éternel – comprenez sans âge, à une époque où l’on peut aisément qualifier tout ça de musique dépassée, voire de courant nostalgique – qui risque de fédérer assez aisément les amateurs de bruit et de bonnes chansons à travers le monde. BBQ, joyeux, léger et bruyant comme un Nirvana qui aurait troqué son mal de vivre pour un optimisme ludique, avec ses paroles aussi absurdes que curieusement pertinentes (« Doesn’t feel right / To be home, watching from your drone / But I can take you outside / If you stop this fight happening over there / Tell me that you care », soit « ça ne paraît pas normal / d’être à la maison, tout en regardant depuis ton drone / Mais je peux t’emmener dehors / Si tu arrêtes cette bagarre là-bas / Dis-moi que tu t’en préoccupes… ») a une allure de hit planétaire des années 90, mais nous parle indiscutablement de notre vie en 2021.
Et si l’on trouve tout ça trop « évident », presque trop facile, même dans le domaine de l’ironie existentielle (comme par exemple à la fin de She Only Eats Organic, quand, accablé par la difficulté de sortir avec une fille aussi compliquée, le protagoniste soupire : « Here I am standing on the edge of the Brooklyn Bridge again / I just need a moment of silence to clear my head, my friend » , soit « Et je me retrouve encore une fois au bord du pont de Brooklyn / J’ai juste besoin d’un moment de silence pour me vider la tête, mon ami ! »), il suffit de plonger tête la première dans Djembe, qui, en sept minutes tumultueuses, clôt l’album de manière majestueuse : dans un torrent de guitares psychédéliques qui évoquent aussi bien The Jesus and Mary Chain que Neil Young, Acid Dad prouve in extremis qu’il peut être autre chose qu’un groupe de petits mecs un peu trop malins, et qu’il y a une vraie substance derrière l’aisance de leur musique.
Espérons qu’ils continueront dans cette voie, que la maturité les verra atteindre le niveau d’importance de tous ces « grands anciens » qui les ont inspirés. Rendez-vous au troisième album.
Eric Debarnot