Le Folk de Maxine Funke ravira les âmes curieuses et connaisseuses des œuvres de Grouper ou de Vashti Bunyan. Un style qui va chercher dans un ailleurs inconnu et incertain une capacité inédite à nous transporter loin, très loin.
Si vous pensez que le Folk a tout exprimé ce qu’il avait à dire, c’est que cette société et ce monde ont bien trop noirci vos espoirs, vous ont rendu cynique et blasé. Celui (ou celle) qui aura l’oreille et l’envie de se dégager de ces certitudes plombantes saura retrouver une forme de virginité et de curiosité première, de celles des découvertes. Les musiques qui assument d’être à l’os sont celles qui atteignent l’essentiel. Evacuons tout de suite le terme Lo-Fi qui ne veut pas dire grand chose. Le Folk assume toujours une forme d’incarnation et de retour aux sources. Il cherche à traduire quelque chose d’indéfinissable, un lieu peut-être, un endroit, là où chantent les écrevisses et les grenouilles; là où s’écoule tranquillement une rivière sans âge.
Sans aucun doute, vous ne connaissez pas le travail de la néo-zélandaise Maxine Funke mais pour autant, n’allez pas imaginer qu’il s’agit d’un premier album. Bien au contraire, la dame a déjà un joli parcours derrière elle avec une discographie à découvrir. Pour faire simple, on citera vite quelques influences pour mieux les oublier ensuite, comme Liz Harris de Grouper, Maxine Funke partage un goût immodéré pour des mélodies hantées et nimbées d’expérimentations, comme Vashti Bunyan, elle se plaît à intégrer dans ses chansons une ossature toute apparente et mélancolique.
Maxine Funke triture et déconstruit son folk pour en faire des structures mouvantes, perturbées et dérangées par des craquements numériques ou organiques. Un peu à l’image de ce que peut proposer le natif de Bristol, Matt Jones avec Crescent, la musique de Maxine Funke est bien difficile à classer, aspirant à se faire expérimentale, acoustique et souvent abstraite. Son univers en troublera plus d’un, en ennuiera d’autres mais ne laissera pas indifférent.
On pourrait accoler le terme de Post-Folk à la sonorité que recherche la néo-zélandaise tant la dame semble puiser son émotion dans des angles de vue divers et variés, du côté du Jazz comme du côté du minimalisme, du côté du Folk anglais à la manière de Nick Drake comme du côté des expérimentations les plus apaisées de Matt Elliott. Comme quoi on peut signer de grands disques sans pour autant atteindre des coûts de production dignes du PIB du Bhutan. On imagine ce disque enregistré à la maison au creux de la nuit, un disque chuchoté et joué avec une douceur toute nocturne comme pour ne pas réveiller les autres occupants de la maison.
Fait de peu de choses, Seance rappelle les œuvres de Loren Connors, de Kath Bloom pour ce refus du choix entre émotion et expérimentation, entre dissonance et douceur. Seance est un disque gris, en demi-teinte, jamais manichéen ou monochrome. Il est gris de ce gris qui est une union du blanc et du noir. On n’est pas surpris d’apprendre que Maxine Funke habite une petite maison au bord de l’océan et qu’elle compose ses chansons en voyant au loin la mer et cette petite île comme une illusion d’une autre vie, comme une Fata Morgana. Pour entrer dans la musique de Maxine Funke, il faut accepter de laisser le temps ralentir et de se laisser percer par les sensations, par des perceptions troublées. On suit sans même sans rendre compte les pas souples , les empreintes qui s’inscrivent dans le sable que le vent vient balayer. On imagine pour un instant ces paysages de ceux que l’on voit au début de La Fille De Ryan (1970) de David Lean. Ce jeu de la lumière sur le sable, l’écume qui brouille tout.
Ce disque est une œuvre doucement paroxystique, aux contrastes saisissants, épurée et habitée à la fois. Jamais paresseuse, la musique de Maxine Funke intime l’attention pleine et totale, sans cette posture, elle ne deviendrait qu’un bruit de fond sans intérêt. Jamais Maxine Funke ne nous facilite la tâche, elle ne fait rien pour nous envoûter ou nous plaire, elle pense (à juste titre) que ses chansons se suffisent à elles-mêmes, les nimbant de pluie et de sa voix céleste.
Seance convoque en nous la patience, une certaine idée d’une exigence vis à vis de nous-mêmes, une concentration de chaque instant. Il faudra savoir aller vers la musique de Maxine Funke, ce n’est pas elle qui viendra à nous mais ceux qui sauront trouver leur chemin devraient prendre à nouveau la même route pour ces rendez-vous avec une beauté singulière.
Greg Bod