Human Safari, le premier album d’Ora the Molecule, nous invite à découvrir une musique électro-pop soyeuse et sucrée, sophistiquée et subtile, intelligente et drôle, dansante et planante. Un album tout saison.
Quel plaisir qu’un album d’électro-pop puisse (encore) surprendre, ravir et ensorceler ! Quelle joie de savoir que cet album, sorti en Juillet, au milieu de l’été — une saison qui lui va bien — pourra être écouté et réécouté à l’automne, en hiver ou au printemps. N’importe quand en fait ! Quelle satisfaction que de découvrir un nouveau groupe, dont on aime déjà le premier album qu’on a déjà envie de savoir ce qu’ils vont faire ensuite! L’album, c’est Human Safari. Le groupe, Ora the Molecule, un trio formé par une norvégienne — Nora Schjelderup, qui compose, conçoit et chante les morceaux — qui s’est associée à l’allemand Jan Blumentrath, qu’on a pu entendre dans Ex en Provence, et qui assure les synthés et à l’anglais, Sju Smatanova à la batterie. Human Safari n’est toutefois pas le coup d’essai d’Ora the Molecule et de Nora Schjelderup. Depuis 2017, le groupe nous a déjà réjoui avec plusieurs EPs.
Réjoui, oui ! Sans conteste. La musique que joue Ora the Molecule a quelque chose de franchement réjouissant. Une douceur sucrée — ce n’est pas un hasard si Nora Schjelderup répète à l’envie “I want sugar” sur le second morceau de l’album — qui peut être écœurante mais jamais nauséeuse. Un écœurement dont on jouit, et qu’on peut difficilement lâcher. Des rythmes groovy à souhait, pour des morceaux très « danse » — mais qu’on peut aussi écouter vautré sur son canapé ou en balade dans la nature. Un groove lent et soyeux, presque new age, qui balance comme une algue dans la marée, comme un brin d’herbe dans le vent. Les arrangements électro subtils qui ont souvent un côté japonisant, oriental au moins, comme les chœurs chantés d’une voie flutée entêtante. Des refrains qui vous agrippent l’oreille et ne vous la rendent qu’à regret. Des couplets susurrés d’une voix un peu éraillée mais tellement prenante par Nora Schjelderup Le mélange est parfaitement réussi. Parfait, sur 12 morceaux à la qualité égale. De fait, Human Safari est très homogène — peu de progression entre le début et la fin mais, s’il n’y a pas de hauts, il n’y a guère de bas !
On est embarqués d’emblée par The Ball, le premier morceau de l’album, où la balle en question sert de métaphore pour parler de l’échange et de la communauté des êtres humains. Et le niveau ne se relâche pas. Sugar Master — en numéro 2 — avec son rythme hypnotique sur lequel Nora Schjelderup nous déclare son amour pour le sucre, “I want sugar”, “Give me sugar” qui ne manque pas d’ironie quand ont sait qu’Ora a aussi joué un morceau qui s’intitule Salé dans lequel le sel a disparu et Nora Schjelderup enquête pour le retrouver ! Puis vient Creator, un morceau emblématique — “Are you ready? Are you ready… to be free?” demande Nora Schjelderup avant que la choriste n’entame l’addictif et symbolique “hands up! Loving the creator inside the creature” qui va vous hanter des heures après avoir écouter le morceau. Die to Be a Butterfly et Helicopter ont un côté techno assez teutonique mais que les voix rendent très léger. Et puis arrive Shadow Twin, tout en nappes de synthé, et basse groovy complètement irrésistible… comme le très dancefloor I Wanna Be Like You, au refrain impeccable — “you don’t follow the crowd, you take it slow, you take it slow”.
On aura aussi compris qu’Human Safari est album dont il faut aussi écouter les textes. Mystérieux, étonnants, marrants ou sérieux, à un ou deux — peut-être plus — degrés. Mais intéressants. Nora Schjelderup joue de la métaphore sur chaque morceau. Car, comme on peut le lire sur son site ou dans les présentations de l’album qu’elle a écrites, elle veut faire passer un message sur le sens de la vie, nos devoirs et responsabilités en tant qu’êtres humains. C’est d’ailleurs clair dans le nom du groupe – Nora Schjelderup est, comme chacun d’entre nous, une molécule – la plus petite partie de matière qui a une identité tout en faisant partie d’un tout plus grand ! C’est enfin ce qui transparaît dans les vidéos des différents morceaux que le groupe a produit — de vrais bijoux, sophistiqués, raffinés. Ora the Molecule est un groupe qui s’écoute, qui se lit et qui se regarde. Et pas qu’un peu !
Alain Marciano