S’il n’y a « pas de seconde chance pour un héros américain », comme le veut le proverbe, peut-être y en a-t-il une pour les superstars belges ? Le Dernier Mercenaire est un film plutôt raté, mais nous laisse croire à un futur dans le cinéma comique pour Jean-Claude Vandamme. Ce n’est déjà pas si mal.
Regarder le dernier Jean-Claude Van Damme, produit par Netflix ? Vous n’y pensez pas ! Alors, en faire une… critique ? Encore moins. Pourtant, et même si le Dernier Mercenaire est loin d’être un bon film, puisque, quelque part, en toute sincérité, on joue plutôt ici dans la cour d’un Jean-Marie Poiré (auquel on pense fortement quand le pauvre Alban Ivanov, qui n’avait pas mérité ça, traverse Paris en slip sur une trottinette, aidé par des effets spéciaux datant clairement des années 60), il y a toujours quelque chose à tirer, et donc à dire, d’un film avec « The Muscles from Brussels », Mister JCVD !
L’âge étant meurtrier quand on a construit sa carrière sur des performances physiques, Van Damme a réorienté celle-ci vers la parodie, et l’humour : ce n’est pas du tout un mauvais calcul, dans la mesure où l’acteur / personnage JCVD trimbale avec lui un formidable historique (de films, de déclarations, etc.) qui constitue une réserve quasi-inépuisable de plaisanteries au second degré. Les références abondent donc dans le Dernier Mercenaire, des plus rapides (une affiche de film dans un coin de l’image) aux plus appuyées (le jeu avec les perruques, par exemple…), et nombre d’entre nous s’en réjouiront franchement. Et si Van Damme est une icône indiscutable, ce n’est pas un très bon acteur, surtout en l’absence d’une direction ferme : il peut néanmoins toujours compter sur un capital sympathie qui est loin d’être épuisé, pour palier ses déficiences de « timing comique » et le soutenir dans son exercice d’auto-dérision.
Le problème du Dernier Mercenaire, ce n’est pas une absence, mais au contraire une abondance d’idées, dont certaines sont indiscutablement excellentes, comme la fixation de l’un des personnages sur le Tony Montana du Scarface de De Palma, ou encore l’inscription de la fiction dans une certaine réalité de la France actuelle, du désordre du gouvernement macronien à l’ébullition des cités. Malheureusement, ni le scénario – qui n’arrive pas à gérer une telle multitude de personnages -, ni la mise en scène – très télévisuelle – de David Charhon ne sont assez tenus, assez maîtrisés pour que cette bonne matière première se transforme en un bon film. Dans le même ordre d’idées, la distribution, assez solide pourtant (Eric Judor, Patrick Timsit, Valérie Kaprisky, Miou-Miou !) n’est jamais au niveau où l’on serait en droit de l’attendre, et les acteurs moins expérimentés, comme Samir Decazza dans le rôle du fils abandonné et retrouvé de JCVD, souffrent encore plus.
Comme le Dernier Mercenaire ne peut pas être un « film de baston », vu la fatigue de JCVD, les scènes d’action sont peu nombreuses – et Van Damme y est plus que probablement doublé -, ce qui frustrera sans doute les aficionados, peut-être déçus par les tournants franchement burlesques pris par le film.
Néanmoins, contre toute logique, le spectacle offert par le Dernier Mercenaire, avec sa saine morale d’une France métissée résistant aux magouilles des politiques (sans pour autant, et c’est heureux, tomber dans ce « tous pourris » qui fait tant de dégâts en ce moment) s’avère étonnamment réjouissant. Léger, certes, pas très fin, sans aucun doute, mais réjouissant.
Et nous fait rêver à une fin de carrière mi-populaire, mi-arty, qui pourrait être celle de JCVD, avec l’aide de réalisateurs un peu plus talentueux.
Eric Debarnot