Daniel Nolasco paraît vouloir compiler sans autre intention ce qui c’est fait de mieux dans le cinéma queer depuis des décennies. Résultat : son film s’en trouve désincarné, ne nous touche jamais vraiment et dans ses volontés de réel, et dans ses expériences mi-sensorielles, mi-érotiques.
Dès les premières secondes de Vent chaud, et jusqu’à ses dernières d’ailleurs, on ne peut guère s’empêcher de remarquer, et pour peu que l’on ait une certaine culture du cinéma queer, à quels films et à quels réalisateurs celui-ci renvoie, nous fait penser ou tient de l’évidence, tant Daniel Nolasco paraît vouloir compiler à tout prix ce cinéma-là sans nulle autre intention. Certes, il y a bien un semblant d’histoire qui traîne, une histoire de désirs brûlants et de coup de foudre qui vire à l’obsession, mais Nolasco est visiblement plus obnubilé par son idée de best-of alléchant que par tout autre chose. Par exemple élaborer un scénario qui se tienne ou tenter d’apporter, au moins, une petite touche de singularité, originale et personnelle.
On trouvera donc dans Vent chaud, en vrac, du Alain Guiraudie dans ce regard sur une passion gay en milieu agricole et ouvrier ; du Bruce La Bruce dans pas mal de scènes de sexe cash et non simulées ; du João Pedro Rodrigues dans ce récit d’une fixette en mode fétichiste (bonjour O fantasma, auquel Vent chaud emprunte la même thématique et même plagie plusieurs séquences, le trouble en moins) ; du Kenneth Anger (Scorpio rising) et du James Bidgood (Pink narcissus) dans la mise en scène d’une imagerie onirique puissamment homoérotique ; et enfin un peu de Rainer Werner Fassbinder dans quelques éclairages expressifs à la Querelle, un peu de Pier Paolo Pasolini aussi et de Derek Jarman, sans oublier, pour parachever le tout, un soupçon de porno vintage, de Tom of Finland et de Pierre et Gilles.
Forcément, avec une telle hit list, on se dit qu’on va s’ébahir, qu’on va se délecter. Que le cinéphile aventureux égaré par ici va y trouver son bonheur, et pourquoi pas du plaisir. Que nenni. À force d’influences et d’hommages et de clins d’œil, Vent chaud s’en trouve complètement désincarné. Devient un objet arty et vain. On finit surtout par se désintéresser du sort de Sandro, bear taiseux aux rêveries peuplées de golden showers, de sperme et de cuir, et tombé raide dingue amoureux d’un macho blond décoloré, s’assommer de ses tentations fougueuses et se lasser de ses états d’âmes mal exprimés. D’autant que Leandro Faria Lelo, son interprète, est aussi expressif qu’une éponge oubliée en plein soleil.
Tout ce qui pouvait, éventuellement, permettre au film de sortir de ce schéma simplement (désespérément ?) formaliste, et surtout trop référencé, passe au second plan, envisagé a minima : réalité sociale d’un Brésil rural, questionnements autour d’une sexualité sans tabou, valse des illusions et poids de la solitude. Nolasco cherche clairement à se détacher d’un ancrage tangible, préférant égarer le spectateur dans un entrelacs de chimères fantasmatiques a priori engageant, mais son film ne nous touche jamais vraiment, reste lettre morte et dans ses volontés de réel, et dans ses expériences mi-sensorielles, mi-érotiques.
Michaël Pigé