Mi-août, la chaleur enfin, et le pass sanitaire… Paris s’est vidé, mais sur la Terrasse du Trabendo, on écoute toujours de la musique passionnante. Samedi, c’était au tour de Chichirama et de Veik de démontrer la vitalité de la scène Rock française…
Il n’y a rien d’évident dans le fait d’organiser un concert à Paris un 14 août, qui plus dans le contexte de l’instauration du Pass Sanitaire, qui limite forcément le public le plus jeune, et le moins vacciné. C’est donc avec une certaine satisfaction qu’on trouve une Terrasse du Trabendo relativement bien remplie pour assister à une soirée proposant deux groupes français aussi originaux que Chichirama et Veik.
19h40 : Chichirama est le groupe de William Moreau, dont on nous apprend qu’il s’autoproclame shaman… ! Et pourquoi pas ? On s’attend donc à une musique psyché bien barrée, et de fait, on pourrait placer Chichirama quelque part sur la carte de la scène australienne : entre le Tame Impala des débuts, mais en moins pop, et un King Gizzard moins « exotique ». On est face à une musique souvent inspirée, excellement interprétée et chantée, une musique ample et réfléchie : deux guitares, des claviers et une basse particulièrement intéressante, qui crée de beaux motifs sur lesquels les chansons peuvent se déployer. Seul petit bémol, un aspect un peu uniforme, voire lancinant à la longue, qui fait que l’attention a tendance à se perdre. Chichirama devrait sans doute se laisser plus aller, et également proposer des tempos plus variés et des montées en puissance qui relanceraient une machine un peu trop sage. A la première écoute, les deux meilleurs morceaux du set semblaient être l’hypnotique Drop in the Sea, et le final Sandscapes, plus nerveux.
45 minutes d’un set qui a débordé sur le temps initialement imparti… ce qui va limiter la durée du concert de Veik, puisque, malheureusement, en août, les groupes ne peuvent plus jouer après 21h30, du fait de la séance de cinéma en plein air qui démarre sur la grande pelouse…
20h45 : Veik, un trio venu de Caen, propose une musique abstraite, « architecturale », parfois qualifiée à tort, à notre avis, de « krautrock » sans doute à cause du mélange d’électronique et de répétitivité. Du point de vue des influences possibles, on aurait tendance à citer beak> (sans même parler de la consonnance des noms !) ou Alan Vega, mais c’est assez réducteur tant chaque morceau voit le groupe explorer des atmosphères et des textures différentes. On démarre avec un Difficult Machinery presque pop, avec sa mélodie facile, qui sombre dans sa dernière partie dans un chaos électronique étonnant tout en montant en intensité : c’est tout de suite passionnant, il faut le reconnaître.
La suite est plus exigeante, moins confortable aussi, le groupe recherchant et trouvant des ambiances malaisantes, et se plaisant à déraper vers des moments de folie, soit grâce au chant habité de Boris, le batteur, soit du fait des délires bien allumés d’Adrien, occasionnellement vraiment spectaculaire de frénésie derrière ses claviers. Sur la droite, Vincent abat un travail considérable en ajoutant, soit à la basse, soit à la guitare, les aspects les plus « rock » à la musique.
Il est du coup vraiment dommage que Veik n’ait pas pu, entre une durée de set réduite et des problèmes techniques survenant au mauvais moment, interpréter l’ensemble des 10 titres de son album Surrounding Structures, mais au moins les deux derniers titres, Honesty avec son pic d’hystérie communicative, et Château Guitar, qui dégénère en furie épique (et déclenchera d’ailleurs un headbanging spectaculaire au premier rang) prouveront que la musique de Veik, aussi cérébrale soit-elle, peut être une formidable source d’excitation et de plaisir.
Un groupe à revoir d’urgence, pour un set complet.
Texte et photos : Eric Debarnot