Dans des temps meilleurs, les australiens de Crowded House auraient été les maîtres du monde mais nous ne vivons pas dans un univers idéal, loin s’en faut. Pour l’heure, nous serons une poignée à nous intéresser à leur troisième album depuis leur reformation en 1996. Un disque de Pop soyeux et confortable.
Je ne sais pas pour vous mais moi, j’ai quelques amis pour le moins agaçants. Vous savez, ces personnes sur qui le temps ne semble pas avoir de prise. Pendant ce temps, nous, pauvres mortels, perdons nos cheveux, les voyons se teinter de gris, voyons notre brioche toujours prendre plus d’espace alors que, eux… On aurait envie de les frapper, de les insulter mais on reste à les écouter nous parler de leur séance de jogging quotidienne, de leur alimentation forcément diététique. Vous devez vous demander où je veux en venir, je parie… Quel rapport entre ce raisonnement et les vétérans de la Pop australienne. Vous ne comprenez pas ? Pourtant cela semble évident !
Rien n’a changé depuis 1986 et leur premier album éponyme. Certes, les cheveux ont blanchi mais si vous écoutez ce qui est l’essentiel ici, à savoir la musique de Neil Finn et des siens, rien n’a vraiment changé. C’est un peu comme si Crowded House était resté coincé dans la période d’apogée de leur carrière, à savoir 1991 avec leur grand disque, Woodface. C’est sûr que si l’on tire des comparaisons entre Dreamers Are Waiting et Woodface, c’est plutôt en défaveur du dernier album. Défaveur ne veut pas dire pour autant que l’on doit négliger ce nouveau chapitre des australiens, on les a souvent nommé Beatles des antipodes, ce qui est plutôt juste. Même si ce disque n’apporte rien de plus à leur discographie, il n’est jamais honteux et permet de se rendre compte que Crowded House conserve encore de beaux restes en termes de créativité. Si on devait faire encore une autre comparaison, on pourrait la faire avec un autre groupe de leur génération, cette fois-ci écossais, les Texas de Sharleen Spiteri qui vient de sortir Hi au mois de juin et où le groupe semble faire du surplace et se perdre dans de fausses bonnes idées.
Là où les australiens ont toujours été les plus pertinents, c’est dans les chansons plus downtempo, les morceaux plus catchy ne dépassant souvent l’échelle d’une efficacité prévisible. On peut presque dire que Dreamers Are Waiting est scindé en deux périodes, une première partie plus ouvertement Pop et une seconde plus ballade. Les meilleurs moments étant à trouver dans cette seconde proposition. En écoutant ce disque, on se rend compte de combien ce groupe que certains pourraient considérer comme mineur a pu influencer d’autres musiciens, je pense par exemple à Sam Genders et Mike Lindsay de Tunng qui ont du beaucoup écouter Crowded House. Sur Dreamers Are Waiting, le patriarche est accompagné par ses deux fils qui composent d’ailleurs deux titres, Show Me The Way et Goodnight Everyone. Qu’attendons-nous d’un bon disque de Pop ? Je ne sais pas pour vous mais moi je n’en attends pas forcément de l’innovation mais le simple fait que l’on chantonne sous sa douche cette mélodie prouve que le pari est réussi. D’un disque de Pop, on attend qu’il soit tel un tuteur solide qui soutient une plante un peu fragile. Bon après, je ne vous dirai pas que l’on ne passe pas par quelques moments d’ennui, surtout dans la première phase du disque mais Real Life Woman ou Too Good For This World rappellera que la Jangle Pop de Crowded House a encore des choses à nous raconter.
Ce qui est gênant par contre c’est d’entendre Neil Finn dire haut et fort en interview qu’il a voulu faire avec cet album quelque chose d’absolument neuf avec Crowded House, c’est justement le propre de ce genre d’individu sur qui le temps n’a pas de prise, c’est qu’ils sont identiques à ce qu’ils étaient il y a plusieurs décennies quand on les a connu. Neil Finn ne fait pas du surplace mais finalement depuis ses débuts avec Crowded House, il manipule la même matière, il n’y a peut-être que sur Love Isn’t Hard At All avec sa ligne de basse qui rappelle Peter Hook et New Order que l’australien tente autre chose, c’est un peu brouillon, un peu inabouti mais plutôt attachant.
Ce qui ne change pas avec les années, c’est sa voix chaude, croisement possible entre Sam Cooke et Paul Mac Cartney, une voix qui nous accompagne depuis si longtemps et à laquelle on est si attachés, une voix à qui l’on pardonne tout, les disques mineurs ou les semi-échecs.
Greg Bod