Les événements organisés par le Supersonic sur la Terrasse du Trabendo continuent à nous révéler la richesse de la scène Rock française, avec ce vendredi, les Havrais de Dead Myth et les Tourangeaux de Stuffed Foxes. De quoi soutenir notre optimisme vis à vis d’une scène française exceptionnelle !
On se souvient encore, même si ça date de pas mal d’années, de cette étonnante mode de noms de groupes incluant le mot « pony » : dans la France du début des années 20, c’est désormais le renard qui est l’animal Rock ! Rusé ? Mignon ? Sauvage mais pas trop ?… Enragé ? En tous cas, on le trouve tout fou à Nantes (Mad Fox), définitivement sauvage à Angers (Wild Foxes), et… empaillé à Tours (Stuffed Foxes, sur la terrasse du Trabendo ce soir…), sans garantir qu’il n’existe pas d’autres modèles dans les garages et les caves françaises.
19h35 : Respect assuré des horaires de soir pour éviter les problèmes (set raccourci, dépassement du temps et conflit avec l’organisation du Parc de la Villette), et on commence par le trio normand de Dead Myth (encore un nom malin : Dead Meat ? You got it ?), qui se définit comme à la fois psyché et punk. Comme ces étiquettes sont désormais vraiment trop utilisées par tout le monde sur la Planète Rock, elles ne rendent pas vraiment hommage à ce que fait le groupe – au moins sur scène – c’est-à-dire une musique plus originale que ça, avec inclusion de sons électroniques qui créent une sorte de fond sonore destroy sur lequel la puissante section rythmique de Clément et Baptiste peut construire les chansons. La guitare de François alterne entre agressivité punk et sonorités planantes un peu shoegaze, comme sur le beau Love Awaits qui clôt le set.
Mais il faut bien reconnaître que les chansons manquent parfois un peu d’originalité à la première écoute, en particulier lorsqu’elles misent sur des aspects plus mélodiques : c’est surtout la force de frappe du trio qui enchante, sa capacité à proposer des moments vraiment enlevés qui fait la différence. Malheureusement, le set de Dead Myth a été un peu pénalisé par une arrivée tardive du public, qui s’est d’ailleurs tenu curieusement à distance de la scène presque toute la soirée : oui, cette musique aurait mérité plus d’engagement de la part du public !
20h35 : Stuffed Foxes, c’est autre chose : d’abord ils sont six sur scène, avec pas moins de trois guitares qui font un boucan d’enfer – nos oreilles seront ravies ce soir d’être laminées par le son paroxystique du groupe ; ensuite, et ce n’est pas une critique, on n’aura pas particulièrement noté de « chanson » marquante (ou alors on n’aura rien reconnu de leur premier album, Float in the Moonsick Club, ni de leur EP, No Vacancy…), on aura été dès les premières secondes du set de 35 minutes emporté comme un fétus de paille par un véritable torrent de lave électrique. Comme c’était la première fois qu’on voyait nos renards empaillés (du coup, quel nom de groupe complètement en décalage avec l’attitude scénique très intense du sextet !), on a compris immédiatement pourquoi le qualificatif employé à leur égard est « transe collective » !
Du coup, on n’a pas vraiment envie, ni besoin de coller des étiquettes à ce groupe, qui a une approche viscérale de la musique tranchant avec ce qu’on entend la plupart du temps : entre le déluge de guitare et les hurlements de Léo, très vite, on ne sait plus on en est… Un peu comme sous l’agression sonique d’un A Place To Bury Strangers, si on veut, on oscille entre étonnement et plaisir : car oui, surtout en ces temps de disette « live », bon dieu, que ça fait du bien ! La frustration est terrible quand le groupe s’arrête de jouer, alors qu’il lui resterait du temps pour continuer à nous torturer et nous enchanter.
Voilà, la scène française a un grand groupe scénique de plus dont elle peut être fière !
Photo : Robert Gil
Texte : Eric Debarnot