Les soirées Take Me Out se suivent et ne se ressemblent pas, heureusement, prouvant que la scène Rock française est riche de nombreux courants musicaux, et que, une fois le flux de groupes anglo-saxons tari du fait des restrictions liées à la pandémie, nous ne manquons pas de choses passionnantes à écouter.
Bien plus de monde que la veille, malgré une météo moins clémente – un ciel assez menaçant, et quelques gouttes de pluie au cours de la soirée : alors qu’on va entamer la dernière semaine de la seconde année du programme du Supersonic, qui devrait pouvoir rouvrir ses (véritables) portes à nouveau en septembre, le succès de la formule Take Me Out ne se dément pas.
19h40 : Paalma est un quatuor parisien, pas encore très connu, mais qui joue une musique assez singulière : des morceaux plutôt mélodiques, sur des ambiances vaporeuses, animés par un chant vaguement slacker, avec des parties de guitare lourdes et bruyantes, régulièrement noyées de réverb’ et de fuzz, une batterie percutante et une basse souvent sursaturée. On comprend qu’on est plutôt ici, comme le groupe semble le revendiquer, du côté de la côte ouest des USA, dans un rock psyché aussi souriant que positif. La musique de Paalma fait du bien, est relativement facile d’accès, mais sait se durcir quand il le faut. L’attitude des musiciens, visiblement heureux de jouer, aide à l’implication du public. Pour tout dire, on passe avec Paalma une quarantaine de minutes plaisantes, même s’il manque encore aux compositions un peu plus de « forme », qui les distinguerait plus clairement les unes des autres, et éviterait qu’on ait à la longue un sentiment de redite. Meilleur morceau du set (le seul annoncé par le groupe, en l’absence d’ailleurs de setlist sur la scène), Circles, qui est d’ailleurs l’une de leurs chansons les plus récentes, et qui montre que Paalma va dans la bonne direction.
20h45 : Mais soyons francs, nous sommes surtout là ce soir pour découvrir en live Unschooling, quatre Rouennais (encore !) qui font beaucoup parler d’eux avec leur post-punk en déséquilibre permanent, et qu’on a hâte d’entendre ! Le set commence difficilement, et avec un peu de retard, du fait de problèmes techniques identifiés lors d’un soundcheck assez inhabituel (solo de batterie très agressif, test des micros interminable…) : on sent tout de suite que les musiciens ne sont pas franchement dans le bon mood, hormis le batteur, imperturbablement souriant.
Et de fait, les deux premiers morceaux, tout-à-fait en ligne avec ce que l’on attendait, c’est-à-dire une sorte de Math Rock qui dérape, avec des dissonances et des ruptures de rythmes permanentes, semblent se diluer dans le public – pourtant très enthousiaste – sans impact notable… Oh, on remue tous de la tête ou des fesses et des jambes, mais on est loin de l’excitation attendue, qu’elle soit physique ou… intellectuelle : bref, on espérait une poursuite des expérimentations de Wire agrémentée de ces dérapages stylistiques que Black Midi ou Squid ont mis à l’ordre du jour, avec un soupçon de noise new-yorkais, et on n’a… pas grand-chose de consistant à se mettre sous la dent ce soir.
Les chansons se succèdent, toutes potentiellement intéressantes dans leur construction, leurs ruptures, leur complexité, mais échouant pour la plupart à dégager une véritable intensité : même l’aspect pop névrotique façon « XTC des débuts » de Social Chameleon tombe à plat. Un morceau un peu plus puissant au bout de vingt-cinq minutes (le titre nous est malheureusement inconnu, et là encore, nous n’avons pas vu de setlist sur la scène) nous redonne espoir, mais le set retombe vite dans ce même sentiment de manque de conviction, jusqu’à un dernier titre, plus accrocheur enfin, pour conclure ces courtes – mais également assez longues – 40 minutes.
Les musiciens n’ont jamais semblé « dans le concert », ni même particulièrement heureux de jouer ce soir, et la qualité – absolument indiscutable – de leurs compositions n’a pas suffi à créer le sentiment qu’il se passait vraiment quelque chose sur la Terrasse du Trabendo. Le set s’est progressivement dilué dans une sorte d’indifférence générale, les spectateurs du premier rang laissant progressivement leur place à la barrière pour aller sans doute boire une bière…
Bref, et c’est assez triste de le constater au milieu d’un programme Take Me Out qui a vu se succéder nombre de jeunes formations au talent – inévitablement – variable, mais à l’enthousiasme sans faille, Unschooling ont raté l’occasion de nous convaincre.
La prochaine fois, peut-être ?
Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil