Tapes and Topographies tourne le dos aux rythmes fascistes pour mieux aborder la mort cérébrale en toute beauté sur son nouvel album Monomials. Atmosphère, atmosphère…
Dans les forêts reculées du Tyrol ou des Carpates, la célébration de la mort du cerf par le pirsch se faisait en musique. Les cors des Alpes rendaient les honneurs en superposant de longues notes dignes des noces de Morphée. Désormais, ces même harmonies hantent l’ambient grâce aux synthétiseurs qui font office d’instruments à vent.
Avec Monomials, Tapes and Topographies – soit le projet de l’américain Todd Gautreau (ex-Crushed Stars, Sonogram et Tear Ceremony) – se joue d’ une chimie neuronale d’où se dégage une sensation luxuriante. Une musique aquatique ou cosmique qui nous plonge, au choix, en apnée ou en apesanteur. Nul présence de rythme, cette invention tribale glorificatrice de l’acte guerrier et fasciste. Neuf titres et une bonne trentaine de minutes plus tard, le fond enveloppe le corps dans une gravité musicale tout en lévitation douce. Les voix célestes embrassent la lenteur, les sons de synthèses endorphiniens ondulent sous les mélodies répétitives ad vitam æternam. Thanatos en est ravi.
Les titres de l’album annoncent la couleur: A Life of Vibrations, Escapist, Bath in Color and Light ou Spec Work as Magic et Monomials. L’approche sonore est immaculée. Les réverbérations discrètes et omniprésentes provoquent la collusion d’échos dans lesquels des claviers et loopers font la loi. Le virtuel joue sa partie sans que l’on ne sache vraiment où il commence et quand il s’arrête.
Ce qui est certain, c’est la présence d’un piano surgissant des abimes sur A Few Words About Abra et qui vient perturber le monologue. Quant aux violons, guitare défigurée où orgue sur Max’s Kansas City, ils n’auront jamais été autant proches de l’héroïne venue de la mer blanche. The Inverse is Also True clôt les pages analogiques sous un foisonnement de voix, interprétées par des synthés qui nous accompagnent dans l’au-delà. Sans urgence.
La mort est belle lorsqu’elle est douce et mystérieuse. Comme le pirsch où l’œuvre de Tapes and Topographies.
Mathieu Marmillot