Bela Lugosi. Pour nombre d’entre nous, ce nom évoque peu ou prou l’acteur qui incarna Dracula à Hollywood dans la première moitié du XXe siècle. Avec cet hommage romancé, Koren Shadmi évoque une vie faite de hauts et de bas…
D’origine hongroise, l’acteur Bela Lugosi dut fuir son pays en 1919 après la chute de l’éphémère régime communiste, avant de connaître le succès aux États-Unis, malgré son accent hongrois très marqué qui fut paradoxalement un atout pour interpréter Dracula, d’abord au théâtre, puis au cinéma avec Tod Browning, qui propulsa ainsi sa carrière. Koren Shadmi lui rend hommage dans un biopic dessiné.
Après L’Homme de la Quatrième Dimension, Koren Shadmi s’attaque à une autre grande figure d’Hollywood, l’illustre acteur qui fut connu principalement pour avoir incarné Dracula à l’écran dans les années 30. Le nom de Bela Lugosi restera pour toujours associé au mythique vampire des Carpates, et il va sans dire que son accent rocailleux d’Europe centrale y a été pour quelque chose. Malheureusement, l’acteur hongrois a été littéralement vampirisé par son personnage, non seulement par son jeu troublant de vérité, mais plus probablement à cause de choix inopportuns dus à un orgueil mal placé.
C’est ce que nous montre Shadmi dans cette biographie où par une narration croisée, le parcours de Lugosi depuis son enfance jusqu’à sa carrière hollywoodienne alterne avec sa fin de vie dans un hospice que l’acteur déchu supporte mal, harcelé par les fantômes de son glorieux passé. Si ce choix casse quelque peu la linéarité du récit, cela ne suffit pas à faire oublier l’académisme un peu pesant qui caractérisait déjà sa précédente biographie. Pourtant, on ne saura reprocher à l’auteur israélien d’avoir tenté de coller à la réalité par une documentation étoffée, et c’est avec un certain intérêt que l’on suit ce personnage assez haut en couleurs, mais qui peine à toucher véritablement, du fait peut-être de sa mégalomanie et son égocentrisme prononcés. Le dessin réaliste en noir et blanc reste de bon aloi sans être pour autant renversant.
Le principal mérite de cette bande dessinée sera de faire revivre cet acteur que de moins en moins de spectateurs connaissent et qui savait en son temps susciter autant la fascination que l’effroi, en interprétant un Dracula plutôt séducteur et glamour, à mille lieues de la version plus récente, beaucoup plus terrifiante et jamais égalée, de Klaus Kinski. En revanche, on pourra s’étonner de — voire regretter — l’impasse complète de Shadmi sur les déboires de l’acteur lors de la fameuse « chasse aux sorcières » qui frappait le tout-Hollywood, a fortiori en regard du passé communiste de Lugosi.
Laurent Proudhon