Un roman riche, complexe et dense, qu’il faut lire parce qu’il qui nous rappelle des évidences saines sur le sens de la vie, des évidences qu’on a oubliées que Rosa Montero nous rappelle.
Vous allez aimer La bonne chance ! D’abord, parce que ce roman de Rose Montero est écrit dans un style qui vous met à l’aise, qui vous rapproche des personnages – même de ceux qui sont antipathiques –, qui vous plonge dans l’histoire dès le début et ne vous en ressort pas avant la fin. Un style qui, malgré des digressions quelque fois psychologisantes, n’est pas gonflé d’adjectifs inutiles. Un style sobre, efficace et direct, sans pour autant être pauvre et simple, étroit. Un style qui se met au service des personnages, de l’histoire et du lecteur.
Vous allez aimer La bonne chance aussi parce que c’est un roman qui nous rappelle des évidences. Des évidences sur le monde et sur les gens, l’humanité et la bonté, la méchanceté et la gentillesse, l’amour et la haine, sur le désir, la violence, le pardon et la responsabilité et la tolérance, l’oubli et la mémoire, les villages écrasés par la chaleur, les appartements moches et mal construits, les piscines et les chiots, les grands magasins, le monde du travail, les trains qui passent dans la nuit… sur la vie, pour faire bref, et sur son sens ! Tout ça, on connaît, non ? Peut-être mais ces évidences que l’on connaît ou que l’on a connues, ne les a-t-on pas oubliées ? Oui, parce qu’on laisse les années passer, et qu’elles passent, vite, très vite et que la vie s’accumule derrière nous, devenant routinière. Lire La bonne chance permet de remettre nos pendules à l’heure mais aussi celle de Pablo Hernando, le personnage autour duquel tourne l’histoire.
Pablo Hernando décide de fuir, de se cacher. Il veut se faire oublier. Il ne veut pas vraiment changer de vie – il ne fait vraiment rien pour, d’ailleurs – mais cherche à se débarrasser d’un poids qui lui pèse très lourd sur l’âme et sur l’esprit. Ce poids, imagine-t-il, va disparaître s’il fait l’autruche et se met la tête dans un trou. C’est comme ça qu’il se retrouve à Pozonegro, 1300 habitants, un village pauvre, tellement glauque et délabré que ses habitants préfèrent fréquenter le supermarché Goliat qu’arpenter ses rues sales, écrasées de chaleur dans la journée, à peine éclairées la nuit par les quelques réverbères qui n’ont pas été cassés…
Mais non, ça ne marche pas comme ça. Même se mettre la tête dans le trou du cul du monde, même aller se terrer à Pozonegro ne fait pas disparaître les problèmes. Ils restent, vous attendent et, inévitablement, vous retrouvent. Sans compter les nouveaux qui problèmes vous tombent dessus. Parce que c’est la vie. Parce que l’humanité est faite comme ça, avec ses psychopathes et ses vrais méchants et avec ceux qui voulaient être bons mais qui ont failli, victimes d’un système inhumain ou pas et deviennent méchants. Aussi parce que Pablo a cette stratégie qui consiste à essayer de ne pas voir, ne pas entendre, s’isoler et s’arranger, se tenir à distance, raconter des bobards à soi et aux autres. La stratégie de l’autruche. Mais au fond de lui, derrière cette lâcheté apparente, il y a de la force et du courage.
C’est ce que vont lui révéler Raluca et Felipe, des gentils – parce que, oui, même dans le trou du cul du monde, il y a des gentils ; il y a l’amitié, l’amour et le désir, la simplicité et la franchise. Raluca et Felipe vont mettre Pablo face à ses contradictions, à ses doutes, à ses hésitations, à ses mensonges. Lui faire aussi comprendre qu’il vaut mieux regarder les problèmes en face, les embrasser, les prendre à bras le corps, à vivre avec. Et ça marche.
Vous allez aimer La bonne chance parce que c’est un roman qui vous dit que la vie peut-être belle – pas complètement belle, c’est vrai, mais c’est la vie.
Alain Marciano