Le président d’une société met en concurrence Marius et Priscillia pour le poste de directeur général, les deux concurrents font mine de se livrer à une guerre farouche mais réserve une belle surprise à leur boss. Une belle satire de la société actuelle fondée sur le chiffre et le management made in US signée Marin de Viry.
Marius directeur dans une firme proposant des applications liées au développement personnel au niveau international est mis en concurrence avec Priscillia, une autre directrice d’origine anglaise. Sa culture traditionnelle française, aristocratique et catholique, s’oppose directement à la culture anglosaxonne et militante féministe de sa collègue et rivale. Ils ont été tous les deux formés dans les institutions spécialisées dans l’instruction et l’éducation des cadres de hauts niveaux chargés de gouverner le pays ou d’en gérer les grandes entreprises constituant leur puissance économique. Leur patron leur propose le même poste présenté sous deux angles différents : il était le gars qui incarnait la France rassurante avec sa culture et ses traditions, elle était l’Empire britannique avec sa force conquérante et son rayonnement culturel international. Elle était aussi la voix des femmes, une certaine forme de modernisme.
Dans les grandes tours du quartier de la Défense à Paris, serrées comme les voyageurs du métro sur le quai des stations aux heures de pointes, là où se construisent toutes les théories, stratégies, applications, opérations, là où se prennent toutes les décisions, là où se pense tout ce qui devrait être bon pour le peuple et pour la France mais, en fait, tout ce qui est profitable pour ceux qui bénéficient des richesses accumulées par la grande finance internationale et pour ceux qui ne pensent qu’à faire avancer leur carrière dans la gestion des entreprises qui nourrissent ces grands financiers. Dans ces tours qui incarnent si bien l’arrogance, la suffisance et le mépris de ces grands financiers et des gouvernants qui leur servent la soupe, Marius et Priscillia s’affrontent, ou plutôt font mine de s’affronter, pour un poste prestigieux.
Marius est secrètement amoureux de Priscilla, sa concurrente anglaise, même s’il ne veut pas l’avouer. Elle prendrait un malin plaisir à l’écraser mais leur meilleur client leur laisse comprendre qu’ils ont été mis en concurrence dans le seul but de faire le jeu de leur patron. Ils décident donc de ne pas tomber dans ce jeu sadique et cynique et de trouver un arrangement à l’amiable. Sans avertir quiconque, ils font mine, devant leurs équipes, de se livrer une lutte impitoyable.
Dans son scénario, Marin de Viry modifie les données du problème : l meneur de jeu n’est plus celui qui a inventé ce stupide jeu mais les victimes qu’il voulait asservir. Les résultats, les statistiques, les données quantifiées ne sont plus les seules valeurs servant à évaluer d’autres données entre jeu : les sentiments, les émotions, le bon sens… Le monde des chiffres est brusquement bousculé par un humanisme que les élites fabriquées sur mesure ont oublié depuis longtemps.
Je me suis délecté à la lecture de ce livre, je connais bien le monde de l’entreprise, même si je ne l’ai fréquenté qu’à un étage beaucoup plus bas, j’en ai appris bien des vices et peu de vertus. Je sais comment se construisent les carrières, les images et les réputations. J’ai souri plusieurs fois quand j’ai lu l’ironie avec laquelle l’auteur traitait son sujet. J’ai apprécié la satire qu’il a insufflée dans la peinture qu’il a dressée de la société individualiste, fondée sur le paraître nourrissant les égos et les fortunes, qui se meure peu à peu aujourd’hui. Les Trente glorieuses se dissolvent interminablement en des soubresauts pathétiques que Marin de Viry décrit avec beaucoup de justesse, d’ironie et de drôlerie aussi. Il a bien compris que cette société n’a pas d’avenir, qu’il faudra, pour faire naître un nouvel espoir, retrouver le bon sens et l’humanisme égarés dans les statistiques des technocrates embastillés dans les tours de la Défense. Marius et Priscilla, Sean et Paula semblent, eux aussi, l’avoir compris…
Denis Billamboz