Deux têtes d’affiche, pas moins, pour la troisième soirée du Supersonic revenu (enfin !) s’installer dans ses murs après deux saisons en plein air au Trabendo. Et ça a chauffé sévère rue Biscornet !
On a beau avoir beaucoup aimé les soirées en plein air sur la Terrasse du Trabendo, on se sent vraiment bien en franchissant à nouveau le sas d’entrée du « vrai » Supersonic, rue Biscornet. C’est d’ailleurs aujourd’hui la troisième soirée depuis la réouverture des lieux, et on se réjouit par avance de voir le trio féminin de Grandma’s Ashes en pleine action. Dans la queue précédant l’ouverture des portes, on se rend compte que pas mal de gens sont plutôt là pour Kim Logan… Et pourquoi pas ?
20h25 : Fin du « happy hour » qui a vu la bière couler à flot, la salle est bien remplie, mais beaucoup de gens devant la scène sont les amis et la famille des musiciens du premier groupe, Nico Kimbro. Bon, Nico Kimbro c’est le nom du chanteur – joli garçon, d’ailleurs – de ce quatuor parisien qui joue un Blues Rock assez traditionnel, très coloré années 70, et porté par un bel enthousiasme, bien relayé, on l’a dit, par le public chaleureux. Ces jeunes gens jouent bien, il manque peut-être juste un peu d’originalité pour faire vraiment la différence. Néanmoins Damn, avec son riff accrocheur est une petite réussite. Une chanson en français, Sauvage, permet de sortir un peu des références systématiques aux USA, et nous permet de nous poser à nouveau la question : pourquoi les jeunes groupes français, qui chantent désormais tous en anglais, n’essaieraient-ils pas de retrouver le goût de notre langue, comme ça a été le cas dans les années 70-80-90 ? Surprise, la reprise du set, c’est le Suffragette City de Bowie, un peu décalé par rapport à la tonalité générale du set, mais exécuté avec enthousiasme, et qui fait monter la température. Le dernier morceau, Boogie Solo, joué de manière plus enlevée, montre que Nico Kimbro aurait peut-être intérêt à augmenter le niveau d’intensité, d’agressivité peut-être même de sa musique.
21h30 : Surprise, surprise, Grandma’s Ashes ont été « rétrogradées » (si on ose dire…) en seconde position ce soir, prouvant que, décidément c’est confirmé, le gros du public est venu applaudir ce soir Kim Logan ! Mais peu importe, notre trio attaque le set avec la pugnacité – et l’élégance – qu’on attend d’elles. La musique de Grandma’s Ashes est assez inclassable, ce qui est une grosse qualité à une époque où nous croulons tous sous les références : il y a là un fond heavy metal, avec des embardées plus modernes qui évoquent le stoner rock, mais également une tendance claire à un lyrisme incandescent, en particulier dans le chant. Et quand le groupe s’embarque dans des passages instrumentaux conséquents, complexes, fracturés, on comprend pourquoi les filles citent Yes comme influence : il y a indéniablement là un aspect rock progressif qui confère à Grandma’s Ashes une vraie originalité.
Les quatre morceaux du EP The Fates seront joués ce soir, suivis par de nouvelles chansons, dont l’une, la dernière, totalement inédite. On regrettera seulement que la voix d’Eva soit sous-mixée ce soir, ce qui nous prive largement de ses vocaux du côté droit de la scène où nous sommes, mais on admirera les prouesses à la batterie d’Edith, qui, malgré un physique qui ne paie pas de mine, impressionne par sa dureté et son efficacité ! Bref, confirmation qu’on a affaire à un groupe potentiellement important de la toute jeune scène rock française !
Par la grande fenêtre / vitrine du Supersonic, on réalise que la queue Rue Biscornet est très, très longue pour pouvoir pénétrer dans un Supersonic déjà archi-bondé. Oui, Kim Logan a attiré du monde ce soir !
22h45 : Kim Logan c’est une chanteuse américaine largement basée à Paris, mais partageant son temps entre les USA, l’Ecosse et la France : elle a une voix soul remarquable (on raconte qu’elle chante aussi de l’opéra…) et elle joue du blues rock là encore bien enraciné dans les années 70, qui a d’ailleurs souvent des accents « classic rock ». En France, elle est accompagnée du trio local de The Silhouettes, qui fait un boulot très, très professionnel derrière elle.
Le Supersonic est chaud bouillant, d’ailleurs même la température de la salle est proche de l’insupportable. Même si cette musique n’est pas vraiment notre tasse de thé, il est impossible de résister à l’intensité qui se dégage du set : l’intro de Dirty Business annonce la couleur, chant puissant, rythmique imparable et solos de guitare volcaniques. Le guitariste, qui ne s’est visiblement jamais remis d’avoir écouté Jimmy Page, fait un guitar hero parfaitement convaincant. Kim chante magnifiquement, et les très nombreux fans sont de plus en plus extatiques. Ladyboy, à la fin, plonge la salle dans l’excitation avec son petit côté Born to Be Wild, avant qu’en rappel, une reprise furieuse du classique des classiques Train kept a-Rollin transforme le Supersonic en mêlée générale. On se croirait revenus en 1974 quand Aerosmith laminait son public avec cette reprise dantesque. Bravo !
On sort de cette soirée asphyxié et transpirant, mais heureux ! Oui, avec une programmation de ce niveau, le Supersonic a encore réussi son coup, et ce soir, le bonheur était… à la Bastille !
Texte et photos : Eric Debarnot