Harry Macqueen filme une balade à travers la campagne anglaise tel un dernier voyage où, au-delà des ténèbres qui s’annoncent (Alzheimer), l’amour d’un couple devient plus précieux et inestimable qu’avant. Mais le développement narratif du récit a bien du mal à donner corps aux enjeux dramatiques et émotionnels.
Supernova, c’est typiquement le genre de film qui te donne (super) envie, avec son (super) sujet à tendance lacrymale et ses deux (supers) acteurs réunis dans un même lit, et qui au final te laisse déçu. Voire super déçu. Dans ta chronologie personnelle des meilleurs films gay, tu voyais bien Supernova arriver après Beautiful thing et Week-end, comme une sorte d’accompagnement dans le temps d’un couple que tu aurais vu grandir, se rencontrer, se retrouver et vieillir ensemble. Tu l’aurais découvert, ce couple, à à peine vingt ans, se cherchant et découvrant les premiers émois, puis plus tard à presque quarante ans, à l’heure des bilans et des remises en question, puis enfin à soixante ans, au seuil d’une vie sereine et accomplie.
Mais non, en fait. Pourtant c’est une belle histoire qu’Harry Macqueen nous raconte ici, l’histoire de Sam et Tusker qui s’aiment depuis vingt ans, et devant faire face ensemble à l’Alzheimer de ce dernier. Lors d’un voyage à bord de leur vieux camping-car pour rendre visite à la sœur de Sam ainsi qu’à des amis, celui-ci réalisera que le temps est désormais compté pour son compagnon, conscient de sa maladie qui, inexorablement, l’emmène «dans un endroit où je n’ai pas envie d’aller et d’où personne ne serait capable de me ramener». Macqueen filme cette balade à travers la campagne anglaise tel un dernier et poétique voyage où, au-delà des ténèbres qui s’annoncent, l’amour inaltérable d’un couple devient plus précieux encore, et plus inestimable qu’avant (la maladie).
Sa mise en scène, sobre, sait imposer un rythme qui prend son temps, privilégiant les respirations et les silences. C’est davantage du côté de la narration que ça ne passe pas, narration qui a bien du mal à donner corps aux enjeux dramatiques et émotionnels (même la fin peine à saisir, dans sa beauté triste, le bouleversement total de ce qui s’y joue et s’y décide). Ceux-ci sont comme étouffés, contenus sans cesse à force de vouloir éviter, et même si cela part d’une bonne intention, tout pathos dans l’observation de ce qu’endure, ce que traverse le couple sexagénaire. Couple dont la tendre intimité ne touche que rarement, et le talent de Colin Firth et Stanley Tucci n’est pas à remettre en cause, évidemment, plutôt la partition, assez limitée, que leur a donné à jouer Macqueen, entre sourires figés et mines de circonstance. Et c’est à peu près tout. Et c’est peu pour nous emporter, nous faire chavirer, nous mouiller les yeux même, et sans doute fallait-il plus d’envies, et sentir plus de vie aussi, dans ce rendez-vous pris avec l’oubli.
Michaël Pigé