Dans le cadre inhabituel mais majestueux de l’église St Eustache, Kate Stables et son This Is The Kit ont confirmé hier soir qu’ils avaient atteint un nouveau seuil d’excellence…
L’église St Eustache, c’est quand même un superbe endroit pour un concert de Rock, non ? Même si on sent bien que ça va être compliqué pour le pogo, on se console en se disant que même si le folk-rock de Kate Stables est parfois joliment énergique, on devrait arriver à se maîtriser et à rester assis !
Le concert de ce soir, organisé par Super ! dans le cadre du nouveau programme Spiritus Sancti, est complet, ce qui est une excellente nouvelle. Par contre, notre attente devant l’entrée du vénérable monument aura été assez épique, avec un gros orage qui aura largement douché tous ceux qui n’auront pas réussi à s’abriter sous le porche d’entrée… Introduction sympathique d’un responsable de la paroisse, qui nous autorise, pourvu que nous restions assis, à retirer nos masques… et c’est parti !
20h20 : C’est Nadine Khouri, une jeune femme – d’origine libanaise et vivant officiellement à Londres, même si elle nous dira arriver de Marseille – armée de sa seule Telecaster (et pas mal d’effets…) qui ouvre la soirée. Dans une atmosphère très recueillie – le lieu aidant, les lumières éteintes aussi, car on joue pour le moment à la seule lumière des bougies -, elle égrène des chansons très suaves, très douces. Nadine se dit intimidée : un tel endroit, cinq cents personnes (?) assises après un an et demi de pause… Sa voix est très belle – d’ailleurs elle a séduit rien moins que John Parish, un connaisseur sur la question, qui lui a fait enregistrer son premier album en 2017 -, mais il ne se passera malheureusement pas grand-chose ce soir sur scène. Cette beauté – indiscutable – semble surtout stagner dans une atmosphère hors du temps, souffrant probablement aussi du minimalisme de l’accompagnement à la guitare, alors que l’album, The Salted Air, bénéficiait d’une orchestration complexe et remarquable. Bref, l’enchantement souhaité ne se produira pas, le set semblera manquer un peu de vie, et du coup d’émotion. Il nous faudra revoir Nadine Khouri dans des circonstances moins exceptionnelles, où ses chansons respireront mieux, comme elles le méritent.
21h05 : Kate Stables est entourée ce soir d’une superbe équipe, parmi laquelle son mari, bien entendu, mais qui bénéficie de l’addition d’un trombone qui va littéralement enchanter plusieurs titres. Le set de This Is the Kit débute d’ailleurs par une interprétation en duo (Kate et le trombone) de Slider, qui va définir le mood pour la soirée : mélancolique, rêveur et pourtant rayonnant. Quand tout le groupe se joint à la fête, c’est une vraie splendeur : le son est magnifique – au moins pour nous, devant, car Kate elle-même nous explique que, au fond, c’est plutôt « psychédélique, parfait pour les amateurs de spirales » ! On plaint les spectateurs au fond de la nef, qui ne peuvent pas bien profiter de cette beauté. Chaque morceau tiré de Off Off On prend une dimension nouvelle dans cet environnement où le public écoute dans un silence recueilli et où les musiciens semblent se concentrer plus que d’habitude pour livrer une interprétation plus dense, plus riche.
Kate plaisante avec son habituelle gaîté… mais ne trouve bientôt plus rien à dire : ce soir la Musique – même profane comme l’a qualifiée dans son introduction le responsable de la paroisse – règne en maître ici. La setlist est composée quasi uniquement d’extraits des deux derniers albums, et sera un peu moins extraverti, festif, que certaines autres prestations du groupe. La voix de Kate, du coup, nous évoquera par instants celle d’Alela Diane, en particulier sur son dernier album, Cusp. Les deux guitares accompagnant Kate font un boulot formidable, apportant une touche de puissance contenue aux morceaux (comme sur un This Is What You Did très enlevé), et on apprécie aussi les backing vocals de la bassiste, qui a elle aussi une voix impressionnante. Bref, on frôle la perfection formelle sur des morceaux comme No Such Thing ou le formidable Was Magician, nos préférés du dernier album.
Le set se termine au bout de près d’une heure dix, mais on aurait bien continué toute la nuit comme ça. A la sortie, nos amis qui étaient au fond de la nef nous confirment malheureusement que le son était plutôt mauvais : un bémol donc – en fonction du placement des spectateurs – pour cette soirée de toute beauté.
Photos : Robert Gil
Texte : Eric Debarnot