François Rivière et Jean Harambat proposent un bel et original hommage aux pionniers du fantastique et de l’épouvante, les romanciers et cinéaste Mary Shelley, H. G. Welles et James Whale.
Faut-il que l’univers créé en 1946 par Edgar P. Jacob soit solide, pour qu’il résiste à la surexploitation commerciale des deux dernières décennies. Aux 11 albums du corpus initial, sont venus s’ajouter 16 tomes, 3 autres sont annoncés, 5 hors-séries, 3 parodies, sans compter les essais sur le maître et ses personnages.
Les flegmatiques Blake et Mortimer sont intrépides, loyaux et intelligents, mais avouons qu’ils manquent de fantaisie. La série brille avant tout par l’imagination diabolique de ses méchants. L’empereur « jaune » Basam-Damdu et son sbire Razul sont trop typés, l’ineffable colonel Olrik a perdu toute crédibilité, reste le diabolique Septimus de La Marque Jaune qui vient de se voir offrir un triptyque. Hélas, il est mort. Qu’à cela ne tienne, place à sa fiancée !
Dans cet album illustré, François Rivière développe la malheureuse et courte histoire de la brillante professeur de biologie Ursula Phelps. Philip Mortimer et le jeune Richard, sympathique neveu de Francis Blake, travaillent avec le célèbre James Whale, le réalisateur de L’Homme invisible et de Frankenstein, à une adaptation de l’affaire Septimus. Mais, le soir même, nos héros manquent de se faire écraser par une voiture sans pilote. Sans hésiter, ils se lancent à la recherche du mystérieux agresseur. Multipliant les références aux maîtres du fantastique, le scénario nous offre une visite nocturne du cimetière, une profanation de tombe, un manoir abandonné, un corps sans tête et une tête sans corps, et un tripode électrique, une version réduite des engins de La Guerre des mondes. La dernière page réfute malicieusement la thèse, communément admise, du suicide par noyade, dans sa villa de Los Angeles, de James Whale.
Le trait de Jean Harambat est étonnamment doux, dépouillé et expressionniste. Ses personnages sont gentiment caricaturés. Sa palette privilégie des couleurs passées, le mauve et le vert émeraude. Comme saisi sur le vif, le traitement à l’aquarelle de ses dessins en pleine page, en format à l’italienne, évoque un « carnet de croquis », accentuant l’aspect réaliste et suranné.
La vie de nos héros est de mieux en mieux connue, les dernières zones d’ombre ont été éclaircies. Je ne doute pas que Dargaud nous mijote une série sur les enfances de Francis et Philip.
Stéphane de Boysson