Et s’il y avait un bénéfice réel de cette situation difficile que nous vivons encore, avec le Covid19 qui empêche encore les groupes US d’aller tourner en dehors de leurs frontières, et avec le Brexit qui rend toute tournée sur le continent inabordable pour les artistes anglais au succès confidentiel ou même moyen ?
… Lequel ? Eh bien celui de nous donner l’occasion de mieux écouter nos groupes nationaux, mais aussi de découvrir la myriade de talents venus d’autres pays européens. Par exemple, ce soir, notre génial Supersonic accueillait le groupe hollandais dont tout le monde parle, Personal Trainer…
20h30 : On commence par Pretty Inside : ils sont de Bordeaux, et nous ravissent presque instantanément avec leur… on va dire power pop musclée : des chansons immédiatement accrocheuses jouées avec une énergie réjouissante, un son bien compact, de régulières montées en puissance pour exciter le public. Il n’y a guère que le chant – sous mixé, il est vrai – qui ne soit pas vraiment mémorable. On a qualifié ça de power pop, mais c’est dans le fond plutôt une sorte de rock classique qui fait danser, qui fait chanter, qui réjouit profondément. Et puis il y a, au bout de 40 minutes très satisfaisantes, ce final bien énervé, vaguement punk et un tantinet motorik, qui nous fait regretter les étiquettes précédentes que nous avons collées (Piece of Shit ?). Un album sort en octobre qu’il faudra guetter. Meilleure chanson du set : Sleeping in a Cage.
21h30 : C’est maintenant au tour de Double Cheese, un trio littéralement féroce – mais sympathique, il faut le souligner – qui vient de La Rochelle : on va qualifier ce qu’ils font du garage punk à tendance hardcore mais sous influence stoogienne. 55 minutes d’une énergie et d’une furie exceptionnelles, sans une seule baisse de régime ni de rythme (effréné, le rythme). Cohésion parfaite, son absolument monstrueux, rien à redire, cela fait même très longtemps qu’on n’a pas écouté de la musique aussi extrême, venue de quelque pays du monde que ce soit : on doit vraiment s’emm… à La Rochelle, pour avoir la rage comme ça ! Et ça fait vraiment du bien, évidemment. Le final, FUZZ, est encore plus intense, presque grandiose. Et puis, n’oublions pas, nous avons beaucoup aimé le coup du masque de requin vraiment effrayant porté par le bassiste !
22h50 : Personal Trainer nous arrivent donc d’Amsterdam avec une réputation énorme de grosse, grosse sensation du moment, sur scène. Le résultat est prévisible : un Supersonic bondé, probablement pas loin de sa jauge maxi, d’un public – en majorité féminin- bien décidé à faire la fête. Depuis peu, Personal Trainer, ex-collectif à taille variable conduit par Willem Smit, s’est stabilisé dans un format « groupe de 7 personnes », évidemment un peu à l’étroit sur la petite scène : deux guitares, deux batteries, une basse, un clavier et occasionnellement un trombone, et Willem en agitateur plutôt qu’en chanteur. Le premier morceau, leur single The Lazer, avec un Willem, très vite torse nu, qui harangue le public, arrache tout. C’est dansant, c’est fun et c’est spectaculaire.
Musicalement, on est dans des chansons combinant funk et ritournelles électro, avec des accélérations garage rock, mais il y a tellement de chaos sur scène et dans la salle que l’on ne se préoccupe pas vraiment du genre musical. La plupart des morceaux sont gais et excitants, Willem s’excuse presque lorsqu’il nous présente une chanson plus calme, il nous semble reconnaître Muscle Memory, mais de toute façon, sur scène, ce n’est pas particulièrement lent et triste non plus ! Willem perd son pantalon, mais n’ira pas plus loin et ne jouera pas son Iggy Pop : il va le remonter sagement. Il est dommage que faute de lumière – ce soir la scène du Supersonic est quasiment plongée dans le noir – il soit impossible de prendre des photos qui puissent témoigner de ce qui s’est passé ce soir, parce que ceux qui n’étaient pas là ne nous croiront jamais.
Un rappel non prévu au bout de 40 minutes épuisantes permet à Willem de faire un court crowdsurfing, ce qui est un exploit au Supersonic. Pas moyen malheureusement, comme on a envie de le faire, d’aller au merchandising acheter le EP du groupe, Gazebo, épuisé, « …ce qui est à la fois une bonne et mauvaise nouvelle », comme nous en avait prévenu Willem !
Et voilà, c’est fini, c’était encore une vraie soirée rock… comme « avant ». Et encore de bons souvenirs au cas où…
Texte et photos : Eric Debarnot