L’un des meilleurs songwriters de folk moderne revient explorer ses propres racines, à la fois musicales comme génétiques. Et en s’interrogeant sur sa nature profonde, José González interroge celle de l’humanité toute entière dans ce qu’elle a de plus complexe et de plus inné, à l’image des lignes de guitare qui composent tout l’album.
« Et pour remercier L’étrange fait de simplement être Une âme curieuse et singulière Complexe dans son calme et ses tempêtes ». C’est sur ces paroles à la fois bien énigmatiques et candides que José González ouvre Local Valley. Si cette poésie toute abstraite et universelle qu’elle puisse être ne surprendra pas les fans de la première heure, un détail crucial change toute la donne puisque pour la première fois le suédois rend hommage à ses racines argentines en chantant en espagnol. Plus qu’un simple exercice de style anecdotique, la langue se prête magnifiquement au flow tout en douceur et en retenue du chanteur. Pas de texte relatif à une quelconque enfance (à part peut-être celle de sa propre fille qui apparaît dans le clip pour un réveil tout mignon au petit matin) et surtout une première position dans l’album qui montre bien la volonté d’être fier d’où l’on vient.
José Gabriel González vient de loin puisqu’en 18 ans il ne publie ici que son 4ème album (celui qui aura demandé le moins d’attente aux aficionados de douce musique néo-folk). Difficile de parler de révolution tant la recette reste la même avec bien souvent l’impitoyable duo chant-guitare, une combinaison feutrée et épurée qui est devenue sa marque de fabrique, depuis Heartbeats qui en aura fait pleurer plus d’un face à ces balles colorées qui tombaient le long d’une rue pour une célèbre marque de TV jusqu’à Far Away (sic) qui accompagnait les joueurs émerveillés de Red Dead Redemption lors de leur première entrée dans le territoire mexicain.
On aurait pu penser qu’avec des titres comme Stay Alive pour le Walter Mitty de Ben Stiller, l’homme s’entourerait d’un groupe pour un rendu plus pop rock mais que nenni, Local Valley prouve bien que l’essentiel restera comme il a toujours été. Et donc on peut vite se prêter au jeu des 7 ressemblances que ce soit The Void qui pourrait ressembler à un mélange d’Abram et Cycling Trivialities sur In Our Nature ou Head On, qui, du propre aveu de son créateur, emprunte à What Will. L’exercice est facile tant le genre ne laisse que peu de place à des grandes expérimentations sans trop s’écarter de l’ADN principal, et le jeu de l’artiste sur sa guitare folk reste dans un certain classicisme qui fait aussi tout son charme. Line Of Fire n’arrangera pas le constat puisqu’il s’agit d’une reprise de Junip, son excellent groupe fondé fin des années 90 avec ses amis Elias Araya et Tobias Winterkorn et qui aura donné naissance à deux albums laissant parfaitement entrevoir le potentiel d’une voix suave au service d’instrumentations plus rock.
De rock il n’y en aura dans cette vallée puisque la seule contrée étrangère vers laquelle l’album s’aventure reste la pop. Swing en reste le meilleur représentant avec un beat 100% électronique et une ritournelle qui accroche au cerveau. Un coup de génie puisque le clip paru en plein été ne manque pas d’en rajouter une couche avec sa plage suédoise aux tons très estivales. Un titre rafraichissant et donc forcément porté en single pour toucher une plus grosse audience. Et en 3 minutes il faut bien le constater, on se surprend déjà à chanter en chœur avec les voix féminine.
La simplicité des paroles reste aussi un des fers de lance de l’auteur compositeur, simplicité non pas dans le fait de n’aborder que des sujets faciles (puisqu’après tout Head On nous parle bien d’oligarchies corrompues et de népotisme (avec même un clip qui évoque The Game of Life de John Horton Conway) mais plutôt dans un phrasé qui coule de source. Pas de complications ou de constructions alambiquées, les lyrics vont toujours droit à l’essentiel, participant au sentiment de franchise de l’ensemble.
Si la formule ne peut pas changer dans son équation, alors il est peut-être question de tempo, José González s’amuse alors à accélérer les harmonies sur Horizons ou le rythme le temps d’un Valle Local (à nouveau en espagnol, comme un pied de nez au titre éponyme de l’album en anglais) pour presque lorgner du côté d’un Rodrigo y Gabriela. Et presque en guise de conclusion, le voilà aussi qui s’essaye au suédois pour En Stund PÂ Jorden (« Un moment sur Terre ») là aussi ne trahissant pas sa musique.
Mais mis à part le trio central Lilla G (et son choeur en loop), Swing et Tjomme (qui apporte un timide début de batterie), n’allez pas chercher une claque sonore, tout juste un perfectionnement du style. José González est posé, preuve en est les bruits d’oiseaux qu’on retrouve à plusieurs reprises sur le disque et qui, comme les intros/outros non mixés, (comprenez par la qu’on peut entendre un bruit d’enregistrement, un souffle ou simplement du bruit blanc) valorisent une approche très nature et honnête de la musique. Pourquoi en faire trop quand l’essentiel suffit ? Pourquoi ?
Kévin Mermin