Une histoire d’amour et de désir, un très beau titre pour un très beau film. Leyla Bouzid raconte avec une grande justesse les premières expériences amoureuses.
Pour son deuxième long métrage, Leyla Bouzid, réalisatrice tunisienne, filme l’amour et le désir naissants entre deux jeunes étudiants à la Sorbonne, Farah et Ahmed. Farah, jouée avec énergie par Zbeida Belhajamor, débarque de Tunisie pour les études. Ahmed, (Sami Outalbali), introverti, français d’origine algérienne, habite en banlieue parisienne avec ses parents et sa sœur. Leur rencontre se fait sur les bancs d’un amphi réservé à l’étude de poèmes arabes sensuels et érotiques. Dans ce cours de littérature, il ne se joue pas seulement l’apprentissage des belles lettres. Les textes séculaires s’inscrivent dans leurs chairs. Ahmed est coincé, porte le poids d’une réputation à conserver devant ses potes, d’une culture close sur elle-même. Le film rappelle parfois La Petite Jérusalem de Karin Albou, avec l’évidence du désir devant les trop grandes différences culturelles. Farah et Ahmed se frôlent en cours, s’effleurent dans le métro, les bars, les soirées, se désirent, fantasment. Mais Ahmed a peur de la vérité des corps. Il résiste.
Ahmed est le personnage principal. Les plans suggèrent son regard, son intériorité. Leyla Bouzid et le chef opérateur Sébastien Goepfert se sont inspirés de Nan Golding, photographe de l’intime. Le premier plan annonce le parti pris esthétique du film, une mosaïque transparente érotisant le corps masculin. Filmer le désir appelle des gros plans morcelés, des détails de chair qui s’inscrivent sur la rétine des jeunes adultes. Farah porte des couleurs chaudes, rouge, bleu, des couleurs rappelant les peintures d’Egon Schiele. La bande son originale, composée par Lucas Gaudin, envoute avec notamment un saxophone déchiré, la voix métaphorique d’Ahmed. Elle souligne la sensualité assumée ou tue des personnages. Sensualité que la littérature libère.
Une histoire d’amour et de désir est une balade tendre et poétique qui donne envie d’aimer. Une histoire qui nous ramène à notre propre éducation sentimentale.
Tara Mollet