[Canal+] Bienvenue à Schitt’s Creek : une pépite canadienne drôle et tendre

Succès total lors des derniers Emmys Awards (confinés) pour cette série canadienne inconnue dans nos contrées, jusqu’à ce que Canal+ décide de programmer cette année les six saisons de Schitt’s creek. A tort où à raison ? Retour sur ce drôle de phénomène champêtre et décalé.

Les premiers épisodes de Schitt’s Creek posent d’emblée l’ambiance, le ton : l’humour un peu cynique et le décalage des situations rapprochent la série de ses comparses Modern Family ou Parks and Recreation, sans pour autant user du « face-caméra-réalité » des pré-citées. Le pitch un peu surréaliste mais néanmoins crédible impose forcément le rire : la famille Rose ultra-riche se voit dépouillée de tous ses biens par leur gestionnaire de fortune véreux. Ne leur reste en « héritage » qu’un village complètement paumé dans l’Amérique profonde, acheté une misère il y a plusieurs années – pour « rire » – dans lequel ils vont devoir venir habiter, et y devenir donc citoyens lambda…

Bienvenue à Schitt’s Creek afficheLe contraste entre cette famille hors-sol, complètement déconnectée de la réalité sociale de leur pays (qui nous rappelle brièvement celle de Succession), et les habitants (forcément un peu ploucs et beaufs) de Schitt’s creek, provoque évidemment les premiers rires, un peu féroces ou moqueurs. Les classes sociales torpillées, les attitudes méprisantes des uns envers les autres, des personnages parfois exagérés, ces thèmes amènent de nombreuses situations drôlatiques, galvanisées par des comédiens en forme. Catherine O’Hara, qu’on avait adoré chez Burton ou la saga des Maman j’ai raté les avions, en fait ici des caisses et s’impose comme la dynamite dramaqueen hilarante du show. Le reste de la famille est à l’avenant, ainsi que tous les habitants de la bourgade rurale, du maire toujours gênant à la serveuse un peu gauche et moyennement fûtée.

En revanche, et c’est pour cela qu’on ne lâche pas Schitt’s Creek au bout de la seconde saison (elle en compte 6), l’évolution de tout ce petit monde ne se fait pas dans un grand écart toujours plus dense et attendu entre ces gens si différents. Au contraire, la série préfère jouer la carte du tendre ou de la légère empathie pour que les protagonistes convergent ensemble vers un terrain partagé, uni, et d’obédience optimiste : les nantis s’essaient à devenir des locaux ordinaires, quand les citoyens du trou perdu acceptent les propositions des (finalement) propriétaires des lieux. Ce petit univers propose ainsi une vision à la limite de l’utopie où, malgré des racines diverses, des situations socio-économiques contrastées, des malentendus quotidiens et nombreux, chacun essaie de comprendre ou d’aller vers l’autre, de partager ensemble des idées, des projets, un consensus démocratique qui fait basculer la farce acide en comédie toujours cocasse, mais où l’émotion pointe parfois sa truffe humide, ce qui était loin d’être gagné au départ.

C’est donc une très jolie surprise que cette série assez confidentielle jusqu’aux récompenses récentes des Emmy Awards, qui ne comblera peut-être pas ceux qui veulent éclater de rire toutes les dix secondes, mais qui ravira tous ceux qui aiment apprécier des destinées simples de personnages peu aimables de prime abord. Un peu comme du Frank Capra version bonbon acidulé et très contemporain.

 

Jean-François Lahorgue

Bienvenue à Schitt’s Creek
Série canadienne de Eugene et Dan Levy (2015-2021)
Avec : Catherine O’Hara, Eugene Levy, Dan levy, Annie Murphy…
Genre : Comédie
6 saisons (13 épisodes de 20 minutes pour chaque saison)
Diffusion sur Mycanal /Canal+ séries en 2021