Juhani Karila nous embarque dans la quête d’Elina, en Laponie. Un voyage magique dans un pays rude et sauvage, plein de personnages merveilleux. Un conte fantastique qui a des étoiles plein les yeux. Magique. Jubilatoire.
Elina est victime d’une malédiction. Pour la conjurer, elle doit chaque année pêcher le dernier brochet qui reste dans un étang de sa Laponie natale. Alors elle quitte chaque année le sud où elle travaille, retourne dans la maison où elle a grandi, se rase la tête, récupère cannes à pêche, fil et appâts, chausse des bottes et s’en va vers l’étang où se trouve le poisson qui la tient prisonnière. Le temps lui est compté — Elina n’a que 3 jours et 3 nuits pour attraper le poisson — mais, en général elle y arrive. Pas cette année. Les conditions sont difficiles : certes, la Laponie est un pays magnifique mais les rivières, marais et tourbières attirent des moustiques et des taons, qui volent en essaims serrés et qui repèrent sans difficulté les bouts de peau non protégés. Surtout, il y a quelques êtres surnaturels peu sympathiques qui habitent les lieux et qui ne sont pas décidés à laisser Elina faire ce qu’elle veut. C’est le cas d’un ondin qui règne sur l’étang dans lequel se trouve le poisson fatidique et qui n’a aucune envie qu’Elina survive à la malédiction. Va-t-elle y arriver avant la fin du 3ème jour à 21 heures ?
C’est l’histoire que raconte Juhani Karila dans La pêche au petit brochet. Comment Elina essaie et échoue, essaie encore, et échoue de nouveau. Comment son ami Hibou — c’est son surnom —, et un des sorciers locaux, Asko, vont l’aider. Comment une policière venue pour arrêter Elina pour meurtre et un teignon tout poilu dans les yeux duquel brillent des galaxies vont rejoindre la bande. Comment elle va convaincre Olli Mangeclous — l’ancien valet de ses parents mort et ressuscité en arbre gigantesque — de lui apporter son soutien en lui apportant une floche ! Mais aussi, par un système de flashbacks très astucieux, Juhani Karila raconte aussi la jeunesse d’Elina, les années difficiles à l’école, l’histoire d’amour intense avec Jouissa et l’origine de la malédiction.
La pêche au petit brochet est donc l’histoire d’une quête personnelle qui devient collective. C’est une histoire d’amitié entre des hommes et des femmes qui, au-delà des inimitiés et rivalités, se serrent les coudes et s’aident. D’hommes et de femmes, qu’on finit par aimer et ne plus avoir envie de quitter ! La pêche au petit brochet est aussi une ode à la nature et à la Laponie, sauvage, rude, difficile. Les animaux sont beaux, très beaux, et les paysages sont superbes et imposants, ouverts sur l’infini, les forêts d’épicéas, les saulaies, les rivières, et très vaseux — la Laponie est un pays de marais et de tourbières. Mais La pêche au petit brochet ne sent pas la vase ! C’est un roman qui respire, un roman qui déborde de fantaisie jubilatoire, où le naturel et le surnaturel se mêlent sans aucune difficulté, une histoire magique et fantastique. Une histoire pleine de monstres merveilleux, de teignons et de grabuges, de croquemitaines et de floches et d’ondins plus ou moins bienveillants. Entre le conte et le roman naturaliste. Entre la fable humaniste et la quête mystique.
Alain Marciano