Antonietta s’assoupit parfois, oublie certaines choses et bientôt les symptômes sont plus explicites, elle est atteinte d’une maladie dégénérative incurable. Son mari raconte son calvaire, leur calvaire, dans un livre adressé à la disparue.
Un beau jour, rentrant de courses les mains encombrés de paquets, est accueilli, à sa grande surprise, bien peu amènement par son épouse : « Va-t’en ! Va-t’en ! Et ne remets plus les pieds ici ! C’est fini ! Je ne veux plus te revoir ! » « Ca fait trois nuits que tu découches ! Trois jours que je ne te vois pas ! ». Il ne comprend rien, il venait juste de la quitter en sortant de chez le médecin pour acheter les médicaments prescrits à la pharmacie. Il ne le savait pas encore mais le mal sournois venait de dévoiler ses premiers symptômes. Bientôt, il saurait mettre un nom sur cette maladie dégénérative qui allait emporter sa femme après une longue et cruelle agonie.
Dans ce récit, Gérard Haddad raconte cette agonie, cette descente aux enfers, une descente qui n’est pas linéaire mais au contraire remplie de périodes de rémission, d’espoir de guérison, d’espaces de paix et de quiétude. Des épisodes de calme entrecoupés, hélas, de crises parfois très cruelles, toujours avilissantes et souvent très difficiles à gérer. Il adresse ce livre à sa femme sous la forme d’un merci pour ce qu’elle a fait et a été pour lui et sous la forme d’une demande de pardon pour tout ce qu’il lui a fait. Le sous-titre du livre : Lettres à ma disparue évoque clairement sa forme et tout aussi clairement son contenu.
Il a commencé son récit alors que le mal était déjà tapi au fond des chairs et des organes d’Antonietta mais pas encore très perceptible. Il introduit ses épitres par des éloges qu’il adresse à sa femme qu’il n’a pas toujours respecté comme il l’aurait dû. Ce récit s’articule autour des aléas de la santé d’Antonietta mais plus encore autour des nombreux voyages qu’ils ont entrepris tout d’abord pour visiter leurs parents et amis restés dans leur pays d’origine respectif : la Vénétie pour elle, la Tunisie pour lui et puis pour des congrès ou des vacances plus ou moins culturelles. Il relate avec beaucoup de précision les rencontres, les découvertes et hélas les accidents de santé d’Antonietta.
Il raconte aussi leur jeunesse, leur rencontre, leur vie de couple parfois un peu agitée mais toujours très riche et très soudée malgré quelques écarts de sa part, l’écriture qu’il partage, elle s’activant surtout pour la dactylographie que lui ne maitrise pas. Et puis, viennent les temps difficiles, le temps du handicap de plus en plus lourd de plus en plus invalidant, le temps des séjours hospitaliers de plus en plus sinistres, le temps de l’hospitalisation à domicile avec des personnels très dévoués et pourtant loin de la famille et même de la France. Le handicap qui fait fuir dramatiquement certains amis et même certains de leurs enfants. Le temps des déception et le temps des nouveaux amis, des personnes de grand cœur.
Et puis vient le temps de la fin de vie, du décès, des obsèques et enfin de la solitude qu’il faut affronter en attendant sa propre fin. Toute une vie à deux concentrée dans ce livre plein d’amour mais pas seulement car il recèle beaucoup d’empathie, de tendresse, de complicité et aussi d’amitié et de respect pour les autres malgré les déceptions et les défections à endurer.
Denis Billamboz