Moor Mother, la productrice musicienne et poétesse de Philadelphie mélange rap, jazz, trip-hop, dans Black Encyclopedia Of The Air, un album aux contours expérimentaux, plus « accessible » que les précédents, et qui s’avèrera totalement captivant.
Album après album, Moor Mother alias Camae Ayawa poursuit son travail d’activiste et de poétesse, de musicienne et de productrice, œuvrant dans les sphères de la radicalité constructiviste. Black Encyclopedia Of The Air n’étonnera pas ceux qui connaissent les précédents travaux de l’artiste, marchant sur des sentiers non-conventionnels où la noirceur fait office de boule au ventre, lâchant les mots comme on balance des scuds.
Continuant sur les débris de son précédent album, Brass, aux côtés de Billy Woods, Moor Mother élabore un hip hop futuriste gorgé de viscéralité urbaine et de décharges électriques engagées, sur lesquelles viennent se greffer quelques voix bien senties telles que Pink Siifu, Elucid & Antonia Gabriela, Lojii, Bfly, Black Quantum Futurism, Elaine Mitcher & Dudu Kouate.
L’expérimental rampe sur des nappes industrielles, cognant leur enveloppante décharnée sur des rythmiques syncopées aux battements hypnotiques. La voix froide de Moor Mother accentue l’impression de fin du monde, contrebalancée par les featurings qui apportent leur part d’humanité éviscérée par les discriminations et l’entêtement des gouvernants à ne pas voir la fin du monde tel que nous la connaissons.
Moor Mother est en tête d’une révolution, celle des marginaux et des minorités, des rêveurs et des âmes éveillées. Superbe.
Roland Torres