Avec Tout s’est bien passé, Ozon passe à côté de son sujet (la fin de vie, le suicide assisté)… Un film surécrit qui n’a pas plus de saveur que celle des plats d’hôpitaux montrés à l’écran. Dommage.
François Ozon devrait comprendre une chose : sortir un film par an est déraisonnable, dilue le talent et multiplie les maladresses. Après les pesanteurs d’Été 85 déjà en sélection pour l’édition fantôme de Cannes 2020, la Compétition lui a refait les honneurs cette année, probablement pour garantir une montée des marches à un casting français comme l’affectionnent les magazines à gros tirage. Car c’est peu dire que le reste embarrasse.
Bienvenue dans le monde nanti de la haute bourgeoisie dépressive parisienne, où l’on sait tout de même goûter aux bonheurs simples comme la mousse de bière sur les lèvres de sa sœur, oh, comme c’est facétieux alors que j’en ai moi aussi. Sophie Marceau, écrivaine, se frotte régulièrement l’aile du nez après avoir retiré ses lunettes pour faire comprendre au spectateur qu’elle a des soucis. Sa sœur quitte régulièrement la conversation en trombe pour faire comprendre que, non, toutes ces discussions sont intolérables pour son cœur meurtri. Charlotte Rampling, la mère en état avancée d’hébétude, pourrait effrayer les plus téméraires héros de Walking Dead et notre joyeux drille Dussollier, affublé d’une lippe pendante, nous explique qu’il est temps d’en finir.
Sigmund s’invite un peu à la danse – après tout, sa fille avait souhaité sa mort, mais quand elle rêve qu’elle lui brandit un flingue sur la tempe, elle se rend compte (Alerte révélation) du gouffre séparant fantasme et réalité.
Alors, on fait preuve de courage en accédant aux requêtes du paternel, qui, rappelle-t-on est un homme à qui on ne refuse rien. Ce n’est pas comme s’il y avait véritablement dilemme ou discussion : ça se passera, c’est annoncé, et voilà l’ami Ozon un peu emmerdé pour tenir les quasi deux heures qu’il ambitionnait. Alors, on brodasse : Dussollier va nous la jouer Papi Daniel pour une touche de comédie, fifille va congeler un sandwich saumon-fromage blanc dans lequel il a mordu pour un symbole que n’auraient pas osé les publicitaires de Sodebo, et on va s’organiser dans l’opulence une petite cérémonie en Suisse, à 10000 € tout de même. « Mais comment font les pauvres pour mourir ? » demande avec un rire tordu papa « ils attendent » répond avec sagacité sa fille entre deux prozac.
Un dernier repas où on avait nos habitudes, mais qui n’aura, comme tout le film, pas d’autre saveur que celle des plats montrés à l’écran, et on pourrait se soulager de voir l’affaire conclue.
Que nenni : Ozon, définitivement prisonnier de sa dépendance au romanesque, (souvenez-vous de l’enquête policière en carton d’Été 85), nous ajoute des flics qui déboulent, un corps qu’on cache et qui se vautre, des convictions religieuses qui interrompent le parcours, autant d’embûches inutiles, pesantes et surécrites. On apprendra pour finir que tout s’est bien passé. Pour le mort, probablement ; pour le spectateur, ce fut dans la douleur, et sans réelle dignité.
Sergent Pepper