Si le monde trop aseptisé des super-héros contemporains vous lasse, Michel Fiffe le renouvelle avec Copra, l’alliance inespérée entre un scénario malin et complexe et un dessin créatif et déroutant.
Pour avoir lu d’innombrables comics depuis l’âge de 12 ans, j’avoue m’être lassé de la standardisation d’un dessin réaliste et coloré, de l’absolu formatage des scénarios et de la banalisation des enjeux : un héros, qu’il soit bon ou mauvais, ne meurt jamais, tous ressuscitent…. Marvel et DC Comics ont tué la poule aux œufs d’or. Et puis, il y a Copra, qui nous rappelle opportunément qu’il subsiste aux États-Unis des éditeurs indépendants et que Delirium s’emploie à faire traverser l’Atlantique à leurs meilleurs productions.
Né en 1979, Michel Fiffe est un fou de super-héros qui, très tôt, a entrepris de créer son propre univers. Copra est une équipe semi-officielle de super-héros déclassés. Ce club de la dernière chance regroupe dépressifs, gueules cassées et tueurs à gages démonétisés. Dès le premier chapitre, la moitié de l’effectif est tuée et une ville mexicaine anéantie. Le ton est donné. Pour autant, Fiffe connait ses classiques et multiplie les références aux grands anciens. Au fil des pages, nous aurons des hommages à la Suicide Squad, à la Doom patrol, au Docteur Strange ou au Punisher.
La série a été auto-produite à partir de 2012 sur un rythme mensuel. Le tirage initial était de 400 exemplaires, aujourd’hui des collectors ! Dégagé de toute contrainte commerciale, on y parle ou soliloque beaucoup. La lenteur du récit permet à Michel Fiffe de développer la psyché, torturée, de ses personnages. Le contraste avec les scènes d’action, extrêmement dynamiques, est saisissant. Les combats sont âpres et parfaitement lisibles. Sa capacité à jouer avec les cases et à représenter la vitesse et la violence peut rappeler, par ses outrances et ses audaces, le meilleur Frank Miller. À la première lecture, son trait semble brouillon, les visages paraissent esquissés et les décors inachevés. Tout est pourtant parfaitement travaillé, Fiffe joue avec les angles, les perspectives et les déformations. Curieusement, il mélange coloriage manuel, aquarelle et couleurs numériques. Le résultat est troublant, mais signifiant. Seule déception, mais riche de promesses, l’histoire se poursuivra dans un tome 2.
Stéphane de Boysson