Dans un univers loufoque et absurde, Samuel Benchetrit imagine un film plein de tendresse, de poésie et de non-sens autour d’une pléiade de personnages totalement illuminés, interprétés par un casting haut de gamme !
Il n’est pas aisé de résumer efficacement le dernier film de Samuel Benchetrit. Son récit, un peu choral, réunit une pléiade de comédiens autour d’une entreprise vaguement mafieuse, intégrant de manière quasi naturelle la violence comme outil quotidien. À cela s’ajoute une tonalité mâtinée d’absurde, qui permet de faire passer la pilule tout en entretenant un humour noir assez savoureux.
On y verra un mari mourir d’une gifle trop convaincue par son épouse, des ados torturés par des mastards pour qu’ils se rendent à la « boum » de la fille du patron, et un amoureux transi transformé en tueur en série de comédiens jouant le rôle qu’il veut qu’on lui attribue pour donner la réplique à l’élue de son cœur.
Dans cet univers discrètement loufoque, tout est donc possible, et c’est la variété des tons qui génère le charme. Ainsi de la conviction avec laquelle Vanessa Paradis monte une comédie musicale sur Sartre et Beauvoir, de la manière dont Bouli Lanners évoque ses théories de développement personnel (« Tout est joie ») tout en maintenant la tête d’une lycéenne dans un sac plastique, ou de l’application dont fait preuve François Damiens pour s’initier à la prosodie. Un des plus gros losers de France (Vincent Macaigne, qui d’autre ?) peut se retrouver du soir au lendemain intégré à la famille du restaurant indien où il va manger, celle-ci voyant en lui la réincarnation de leur fils décédé, et un castor empaillé symboliser le triomphe de l’existentialisme.
Le non-sens n’est pas celui de Quentin Dupieux, et reste sans arrêt sur le fil dans sa façon insolite de traiter des événements, grâce à une galerie d’illuminés sincèrement convaincus par leur manière d’agir ou voir le monde. Cette tonalité comique, le recours fréquent à la musique et le milieu des gangsters peut faire penser aux directions prises par Romain Gavras dans Le monde est à toi, notamment dans l’insolence frontale des ados, qui semblent pouvoir tenir la dragée haute aux paumés que sont les adultes.
Mais le film sait aussi prendre un certain envol à travers la diversité de ses personnages. L’échec amoureux face à une caissière ne déclenche pas qu’un rire sardonique, et les essais à la poésie par Ramzy laissent entrevoir la possibilité de nouveaux terrains à explorer. Sur ce plan, le personnage joué par Valéria Bruni-Tedeschi apporte beaucoup de sa modestie, et de développement d’une silhouette d’abord affalée sur un canapé, puis vouée à se relever. Sans jamais glisser vers la mièvrerie ou la maladresse dans la démonstration, Benchetrit parvient ainsi à insuffler une véritable tendresse pour ses personnages. Le final, en ode – certes éculée à l’amour – joue avec les codes de la comédie musicale, et pour cause, au vu du projet qui fédère un certain nombre de personnages. Mais au terme de ce parcours bigarré et cahoteux, le réalisateur est parvenu à nous donner envie d’y croire.
Sergent Pepper