Humdrum, c’est le premier album de Samuel Roux sous le pseudo Handy Curse : des arrangements riches, des mélodies claires, une ambiance douce comme un rayon de soleil en fin d’après-midi d’automne, légère comme une bulle d’air tiède.
Avec son premier album, Humdrum, Samuel Roux alias Handy Curse fait l’éloge de la lenteur, du temps qui passe et de la douceur qui l’accompagne. Un album comme une feuille qui tombe en planant, ou comme une bulle pleine de soleil qui s’envole dans une brise tiède. Un album dans lequel on finit par se sentir bien, très bien. Une musique folk-country-pop qui raconte une certaine joie de vivre, simple et tranquille. Pas besoin de s’énerver et de s’enflammer pour profiter de la vie. Pas besoin de monter le son. Une musique comme un baume. Une musique idéale pour un samedi matin. Pour un vendredi soir, après l’excitation de la semaine. Entre midi et deux pour faire un break. En automne quand la lumière baisse. Au printemps quand les fleurs bourgeonnent. En été, à l’ombre d’un arbre. En hiver, au coin du feu. Un album tout terrain, toute saison, tous moments.
Ce qui caractérise Humdrum, en effet, c’est sa très grande richesse et variété. Handy Curse mélange les genres sans hésiter. Dans un ensemble pop-folk subtil, on trouve aussi des morceaux qui lorgnent du côté de la country, comme sur Master Food Lover ou If Language is a Fraud ou le très entraînant et réjouissant The Man, the Male & the Mad, mais aussi qui dérivent vers le psychédélisme, comme Intoxicated ou If Language is a Fraud ou Jocker Smile, mais toujours en retenue sans emphase, sans exagération. Cette dimension psychédélique est probablement l’un des aspects le plus intéressant et plaisant de l’album. Elle n’est en fait qu’une illustration de la richesse et de l’inventivité de l’album, des différents plans et couches qui forment les morceaux. Samuel Roux n’hésite pas à utiliser les arrangements pour envoyer ses chansons dans des tas de directions surprenantes. Créer la surprise. Samuel Roux fait ça très bien. Ouvrir des portes dans les morceaux à des moments où on ne s’y attend pas. Dans chaque morceau, il réussit à créer des accidents, rajoutant ici et là des arrangements étonnants: un chœur, une flûte, un sifflotement, un solo d’orgue, quelques notes de piano comme des clochettes légères, du violon. Mais aussi d’un morceau à l’autre, passant allègrement d’un style à l’autre avec le même bonheur. A chaque écoute, il y a toujours un moment d’étonnement lorsqu’on ré-entend ce petit truc qu’on avait manqué à la précédente écoute ou qu’on avait oublié. La production de Paul Trigoulet — qui joue aussi sur l’album — n’est certainement pas étrangère à cette réussite.
Ce qui plaît aussi sur Humdrum c’est la voix et les mélodies qui portent les morceaux. De belles mélodies que, à de rares exceptions prêt, Samuel Roux chante tout en retenue. Il sait mettre sa voix au service des mélodies, des chansons. Il la doucement pose au milieu des arrangements; c’est particulièrement réussi sur Pennsylvania Station. Doucement, sans excès, sans affectation, sans complexité, une complexité, on l’a dit, qu’il la laisse à la musique. La voix est aérienne, quelque fois lointaine — sur Jocker Smile ou If Language is a Fraud, définitivement un des meilleurs morceaux de l’album. Ou plus présente comme sur Freedom Trees.
Et puis on ne pourra pas ne pas dire un mot de l’objet… sorti en vinyle sous une superbe pochette réalisée par Anna Henrotte-Bois, voilà un album qu’il faut écouter et qu’on peut regarder. Impeccable.
Alain Marciano