Sans jamais mettre de côté son amour pour les mélodies bien ficelées, le groupe australien Pond perd définitivement son identité rock pour s’amuser dans un registre plus pop voir même disco. Une complaisance dans un style rétro qui trahit en partie l’ADN d’un groupe qui ne s’interdit pourtant pas quelques expérimentations ludiques pour garder les fans de la première heure.
Qu’accomplissent des artistes en 9 albums ? Autant de vies différentes que bon nombres de groupes ne mettent pourtant pas à profit pour se réincarner. Et si on citera assez facilement les australiens de King Gizzard & The Lizard Wizard pour leur capacité métamorphe d’une sortie à l’autre, leurs voisins de Perth n’ont pas à démériter.
Mais c’est dans l’ombre d’un autre groupe que Pond effectue sa carrière. Avec un leader ancien membre (Nick Allbrook) et un toujours membre (Jay Watson) de Tame Impala, les carrières parallèles des deux formations ont forcément toujours été comparées. Mais plus que des simples roadies du groupe méga star de Kevin Parker, le quintet a bénéficié des talents de ce dernier pour la plupart de leurs albums dont surement l’une de leurs meilleures production : The Weather, sortie en 2017.
Véritable pierre angulaire du groupe, l’album marque un tournant dans une carrière jusqu’alors très rock. Sans renier les envolées progressives et explosives (il en regorge même à foison), The Weather se tourne un peu plus vers la pop et des influences très eighties. Impossible de ne pas penser au Currents de Tame Impala sorti deux ans plus tôt tant les sonorités, la justesse du mixage ou juste l’ambiance général recèle de points communs. Les batteries se compressent un peu plus, les accords de synthétiseurs sont solaires et le chant libéré de toute contraintes.
Tasmania marque une semi déception en ce sens puisqu’en poursuivant la mue du groupe, on perd cette-fois ci un peu plus le côté rock et surtout les fameux cliffhangers enragés. L’énergie est bien plus dans le groove que dans les guitares et sans être désagréable, ce beau diable de Tasmanie est bien vite oubliable en comparaison des énormes sorties précédentes (puisqu’il faut citer aussi Hobo Rocket pour 2013 et Man It Feels Like Space Again en 2015).Alors voilà, Kévin Parker part de la production pour la première fois en presque 10 ans, Nick et ses gars prennent un long temps de préparation (presque 3 ans) et sobrement intitulé d’après sa numération dans la discographie, 9 peut enfin débarquer.
Oui mais non, impossible encore de ne pas y faire le même constat que pour The Slow Rush, sortie l’année précédente chez le groupe frère. Sans en avoir l’encéphalogramme plat, il partage cette envie de rupture avec ce pour quoi la formation était contenu à l’origine. Et ce serait mentir que de dire que Pond n’a toujours fait que du rock mais il faut bien admettre que c’est là la composante principale de leur carrière. Des débuts très expérimentaux de Psychedelic Mango jusqu’aux disques vus précédemment, la musique de Pond conserve une agréable colonne vertébrale, assurant des lives survoltés. Mais pour leur neuvième essai il faut bien s’y faire, en sortant les écrans cathodiques et les pattes d’eph, Nick Allbrook entend bien diluer un peu de son savoir-faire dans une pop disco rétro du plus bel effet. On se doute aussi à l’écoute du dernier album du bassiste Jay Watson alias Gum, Out in the World ou au Shiny’s Democracy du guitariste Shiny Joe Ryan (tout deux sortis dans un 2021 décidément bien productif) que cette lubie est partagé par tout les membres.
On ne pourra pas retirer au groupe son envie d’expérimenter qui est même renouveler en l’absence du gourou du rock-pop à la production. Dès Song For Agnes et ses chœurs jusqu’au chant assez particulier de Shiny Joe Ryan à la fin de Rambo, les 5 australiens s’amusent à brouiller les pistes, alternant d’une chanson à l’autre des rythmes radicalement différent, de la folie de Czech Locomotive jusqu’au finish léthargique sur fond de fin du monde de Toast. L’occasion sur cet ultime titre de retrouver enfin une ligne de guitare notable, pourtant habituellement l’un des points forts du groupe. Mais ici mélangé à un saxo volontairement has-been et des surcouches de synthé, l’éclat rock ne peut définitivement briller. Gold Cup/Plastic Sole est peut être le seul relent d’un age doré qu’on regrette un chouia.
Qu’on ne s’y trompe pas malgré tout, le groupe ne se ramollit pas en s’engouffrant tête la première dans la mode des eighties et arrive encore à développer de formidables textes sur fond dadaïste comme America’s Cup sur la gentrification des villes ou Human Touch bien plus personnel sur un accident de voiture. Entre tranches de vies et regards acerbes sur le monde actuel, Pond a donc encore des choses à dire mais cette fois-ci ironiquement sur des flows bien plus dansant et pas toujours dramatiques. Lorgnant désormais bien plus du côté d’un Parcels que d’un King Gizzard, ce neuvième album peut autant être une déception pour les fans qu’une formidable porte d’entrée pour un public avide de curiosités musicales mais accessibles. Dans tout les cas on espère qu’une dixième vie leur sera accordée.
Kévin Mermin