La productrice-DJ allemande, Sonia Güttler alias Sonae, poursuit dans la voix d’une électro exigeante et en même temps très classique. Autechre et Pole rencontre Bach, Vivaldi et Boulez. Irrésistible.
Summer est le quatrième album de Sonae (Sonia Güttler). 4 albums d’une musique électronique à la fois simple et immédiate, comme peut l’être toute musique électronique, mais aussi forte, complexe et touffue, riche et dense. Il s’agit de ces musiques électroniques assez spirituelles, d’une grande profondeur, d’une grande beauté, d’une grande froideur et mécanique, très abstraite mais qui en devient très organique et très concrète.
Pour comprendre ce qu’elle veut faire, les commentaires de Klaus Walter à propos de I started wearing black (2018) sont particulièrement éclairants comme le sont les propres remarques de Sonae à propos de Cologne son album de 2012 qu’elle a composé à propos de Cologne, la ville dont elle est originaire. Tous deux y parlent de mélancolie, une active, une forme de mélancolie qui s’accroche et ne se résigne pas, qui pousse à se battre pour faire face à son environnement, à la réalité dans laquelle on se trouve. Cette musique serait – et on ne peut qu’être d’accord avec eux — le produit de la difficulté et de l’envie de se faire une place dans le monde.
Sonae avance et ça coince, mais elle avance quand même malgré les difficultés rencontrées, les écorchures sur les parois acérées. D’où les craquements, les grincements, les crépitements… les pas dont on entend les échos, les coups frappés comme à des portes dont one sait pas si elles s’ouvrent. Et sur ce fond qui est l’écho de la vie de l’artiste apparaissent des accidents, de petits événements qui viennent rompre l’inharmonie qui régnait jusque là. C’était la marque de fabrique de Sonae. C’est ce qui fait ce nouvel album également. Summer s’inscrit dans la continuité des albums précédents, utilise les mêmes codes et le même langage musical.
Cela donne des morceaux d’une grande pureté, très dépouillés, où les sons se découpent parfaitement sur un fond de nappes de synthé (Heat ou Veranear). Pour chercher des références, l’électro de, par exemple, Autechre vient à l’esprit. Mais il y a une dimension classique aussi chez Sonae. Quelque chose de Boulez ou Messiaen. Plus ancien aussi, avec ces synthés qui sonnent comme des violoncelles (Steam) ou comme l’orgue d’une messe de Bach (par exemple Summer ou le remarquable Heat, qui n’est chaud que parce qu’il est extrêmement glacial). Cela donne aussi des morceaux qui peuvent être très angoissants comme La Nuit, Tanzwüste et son urgence un peu hystérique, ou Tropennacht, qui n’a de tropical que le titre… Summer, 8 morceaux fascinants aussi indispensables et plaisants que difficiles à écouter. Que demander d’autre ?
Alain Marciano