Sorti malheureusement en plein confinement et donc pas encore assez défendu sur scène, le dernier album de Popincourt, A Deep Sense of Happiness, est un ravissement pour les amateurs de pop raffinée et élégante, mais aussi énergique. Il était grand temps de demander à Olivier Popincourt d’où venait son aspiration…
Benzine : Est-ce que tu peux, pour commencer, nous parler un peu de tes origines, et surtout, bien sûr, de celles de ta musique ?
Olivier : Je suis originaire de l’Ile d’Yeu en Vendée, mais j’ai grandi à Rouen, qui est quand même un endroit où il y a une belle culture Rock en France ! Alors, vers 14 15 ans, je suis tombé sur de belles musiques, comme Dig the new breed le premier live des Jam, Feline des Stranglers, le Night and Day de Joe Jackson. Je jouais déjà de la guitare, même si mes parents n’étaient pas dans le milieu musical. Mon grand frère écoutait du hard rock et Dire Straits aussi, et je dois dire que le son de guitares des 2 premiers albums m’avaient bien marqué, le genre de choses dont on ne se vante pas plus tard (rires…). On était en 84-85, et je grandissais avec The Style Council, Prince, etc., mais j’étais aussi proche de la scène jazz de Mont St Aignan, et cette influence jazz s’est mixée avec mon goût pour la pop. Mon projet Popincourt reste finalement très fidèle à ce que j’écoutais à cette époque-là !
Benzine : Et comment est-ce que les choses sont devenues « sérieuses », alors ?
Olivier : A 18 ans, j’ai quitté Rouen pour Nantes. De manière assez bizarre, j’ai répondu à une annonce et je suis tombé sur un mec qui est devenu Dominique A ! Et il m’a recommandé d’aller voir un concert qui m’a beaucoup marqué, un groupe indie, très arty, où il y avait une vraie vision. Il y avait Eric Delporte du groupe Perio qui a signé sur Lithium et fait un album qui a marqué l’époque. Je suis ensuite allé à Bordeaux où j’ai rencontré David Chazam, qui faisait des choses plus barrées mais funky : j’aimais bien mais ce n’était pas encore ma came. Pour continuer, j’ai ensuite déménagé en Côte d’Ivoire, où j’ai rencontré Tiken Jah Fakoly, qui est devenu une grande star du reggae : on était au Nord de la Côte d’Ivoire, en pleine brousse, j’ai joué avec des locaux. En fait, j’étais déjà et toujours en mode « collaboratif ».
J’ai également passé 4 années à Londres, j’y étais plus dans ma zone de confort, évidemment… ça n’a pas duré longtemps, mais je suis notamment devenu frontman des Hommes Responsables, un groupe avec Phil King, qui a été bassiste de Lush, Felt, Jesus & Mary Chain où je chantais en français.
Revenu en France, la vie a fait que j’ai enfin monté mon propre projet, Popincourt, vers 2013-2014 : le nom vient de la Rue Popincourt, j’ai trouvé que ça sonnait de manière un peu aristocratique, peut-être un peu arrogante, un peu comme le Style Council : ça racontait une histoire. Juste auparavant, je me suis mis dans la peau du mec du bouquin mod Absolute Beginner… Je faisais des premières parties guitare-voix. Au début, je ne jouais que des reprises, et puis j’ai fait ce premier EP 4 titres, et finalement, en 5 ou 6 ans, j’ai enregistré 2 EPs, 2 singles, 2 albums.
Je me considère comme un passionné de musique, qui a fait son parcours musical, avec des goûts aguerris. Adorant collaborer avec des gens, je n’avais pas assez de confiance en moi pour lancer mon propre projet… C’est pour cela que j’ai attendu d’avoir 45 ans pour monter m’y atteler ! Faire de la musique, même pop, ce n’est pas trivial quand on veut se placer dans la lignée d’artistes tant admirés, comme Costello ! La musique, ce n’est pas un truc que je fais pour le fun : il y a des moments de doutes et de stress, trop de temps passer à faire de l’administratif, de la logistique, …je m’efforce à mettre le curseur au bon niveau, de trouver dans ce projet la satisfaction, notamment grâce aux rencontres faites ces dernières années et au sentiment de progresser sur les plans de la composition, la production et l’interprétation.
Benzine : Tu as cité pas mal de noms en racontant ton histoire, mais avec le recul, quelles sont les musiques qui ont inspiré ton projet actuel ?
Olivier : La sainte trinité Paul Weller – Elvis Costello – Joe Jackson ! Quand tu écoutes leurs disques, tu lis leurs interviews, tu vas les voir en concert, tu reçois en plus de leur propre morceaux et personnalité, des influences très variées : pop, jazz, country, folk, soul. Ils offrent une vraie vision de leur musique qui est cohérente mais aussi très variée t référencée. Ce que j’aime et j’espère faire avec Popincourt, c’est un projet proposant des mélodies pop, avec des accords jazz, mais sans perdre l’énergie, ce qui est à mon goût trop souvent le cas en « musique Indie ». Des mecs comme les Buzzocks, pour les citer, savent formidablement combiner énergie et mélodies pop… Aztec Camera est aussi un modèle. Un autre objectif est de ne pas de sonner vintage, je veux un son qui soit contemporain.
Benzine : Et ce dernier album, il est né comment ?
Olivier : Pour faire cet album, j’ai capitalisé sur le premier : j’avais rencontré Olivier Bostvironois qui bosse dans un superbe studio, l’Entresol, à Aubervillers. On avait déjà fait un EP ensemble, avec un budget réduit. Je voulais avoir la même qualité de son, mais avec quelque chose qui « vive » encore plus, avec basse – batterie. J’ai eu cette rythmique extraordinaire, Hervé Bouétard et Fred Jimenez, la rythmique originelle d’AS Dragon montée par Bertrand Burgalat. Ils ont apporté une musicalité incroyable à l’album… Les guitares et claviers vintage ont été enregistrés dans mon Home Studio. Les arrangements de cordes et de trompette sont de Sébastien Souchois, un vieil ami qui prépare son propre projet solo.
Les morceaux se sont construits avec le temps, je ne suis pas arrivé au studio avec un produit déjà fini, et adorerais avoir un producteur qui conseille, oriente, aide à prendre des choix, une direction.
Serge Hoffmann, (guitariste de French Boutik) a réalisé le design de la pochette. On a repris l’idée d’un fond d’un album des Doors, mais avec un visuel plus proche de mon univers.
Décision a été prise de sortir l’album malgré la pandémie en septembre 2020 et c’est maintenant qu’il est enfin défendu sur scène !
Benzine : Et de manière générale maintenant, en te basant sur ton expérience, quelle est ton opinion sur l’évolution de la musique ?
Olivier : Il faut être réaliste, c’est la catastrophe. Les gens n’achètent plus de disques, c’est terminé, la musique est devenue gratuite, il n’y a plus d’économie. Quant aux concerts, ils sont devenus trop chers…
Dans le rock et la pop, les gens n’arrivent plus à « bouffer », et fonctionner dans un format groupe est devenu impossible. Il est trop difficile de rémunérer les musiciens. Il y a un risque de ne plus avoir à terme de musiciens professionnels dans le monde du Rock ou de la Pop, ce qui veut dire que le niveau va fatalement baisser. Ce type de musique risque de devenir un « truc de bourgeois » ou de personnes ayant une profession leur permettant de se payer un album fait dans des conditions acceptables ! Une alternative consiste à développer une certaine forme de mutualisation : on se prête des équipements, du matériel, on travaille ensemble. Je pense aussi qu’il faut créer des des projets en commun, créer une scène, comme je tâche de le faire avec mes amis Olivier Rocabois, French Boutik ou Double Françoise.
Benzine : … dans ce contexte difficile, quelles sont les prochaines étapes pour Popincourt ?
Olivier : J’ai l’impression de commencer à creuser mon sillon. L’objectif est de continuer à faire des disques, et à progresser. Pour le prochain album, j’ai déjà les morceaux, j’ai la pochette, mais les textes ne sont pas terminés, il devrait sortir tout début 2023… J’essaie d’être plus frugal que pour le précédent, le problème est de ne pas perdre en qualité pour autant. J’admire beaucoup Bertrand Burgalat, il produit, il a son propre studio, il travaille avec plein d’artistes, c’est vraiment une référence !
En parallèle, j’ai aussi un projet avec Suzanne Shields, une reprise pour un projet anglais qui collecte des fonds pour le cancer chez les teenagers va sortir en Novembre.
Propos recueillis par Eric Debarnot
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