C’est dans le cadre somptueux de la Nef de l’ancien couvent gothique du XIVe siècles des Dominicains à Guebwiller que l’américaine Suzanne Ciani a partagé sa passion du synthétiseur modulaire Buchla.
La Nef de l’ancien couvent gothique du XIVe siècles des Dominicains à Guebwiller s’est parée d’un mapping impressionnant pour accueillir Suzanne Ciani accompagnée de son fidèle synthétiseur modulaire Buchla 200e. La performance délivrée pendant 45m a démontré l’étendue des capacités de l’engin sans clavier mais aux dizaines de connections, accompagné de différents iPad et tablettes génératrices de sons. Celle qui fut l’élève du maître Donald Buchla – inventeur et précurseur des sons de synthèse dès 1963- a connu la renommée durant les 70’s pour avoir composé des jingles de pub (Coca-Cola, General Electric) et des bandes sons de jeux vidéo.
Sur scène, Ciani se présente élégamment vêtue d’une robe en strass. Elle est filmée, une caméra projette ses diverses manipulations. Très vite l’attention se focalise sur l’écran, tant ses mains parcours le synthé avec dextérité, on oublierait presque sa présence sur scène. Le son, diffusé en quadriphonie, rend hommage aux complexités sonores, renforcé par l’acoustique du lieu. Le set débute par des bruits de vagues, sa marque de fabrique qu’on retrouve sur son album Seven Waves paru en 1982, accompagné par des cris de mouettes engendrés par un Moog Taurus virtuel. Doucement, elle module les sons générés grâce aux nombreux filtres de son instrument électronique, véritable tableau de bord. Des basses synthétiques se perdent dans des échos, se transforment en séquences qui se prolongent à l’infini. Des tambours du Burundi aux pianos déréglés, de basses croisées chez Kraftwerk aux nappes électro, la musicienne rattrape toujours les semblant de pertes de contrôle grâce à son sens aigu de l’improvisation. On ne peut que regretter l’absence d’une pulsation organique ou d’un rythme métronomique qui auraient renforcés l’aspect hypnotique. Dès la fin de sa performance, elle invite sur scène celles et ceux qui veulent voir de près le matériel utilisé. Le plus important à ses yeux est l’échange et la transmission. Buchla D. disparu en 2016, c’est Suzanne Ciani, du haut de ses 75 printemps, qui prend en main la destinée de ce synthétiseur devenu rare, en devenant à son tour prêtresse et professeur des sons modulaires.
Texte et photos : Mathieu Marmillot