Jesse Jacobs invente un écosystème régi par des lois physiques et biologiques inconnues. Créatures bizarres, objets maléfiques, l’auteur canadien revisite le genre fantastique, loin des stéréotypes devenus trop familiers.
Énergies noires rassemble deux courtes histoires, toutes aussi étranges. Entre mes murs revisite le thème classique de la maison hantée en prenant le point de vue de la bâtisse. Dessinée dans une angoissante perspective cavalière, la maison aspire à dévorer ces stupides petites créatures consuméristes qui prétendent prendre possession de ses murs. Telle une plante carnivore, elle les attire par ses charmes, bien mis en valeur par une agente immobilière complice, puis elle les piège dans le dédale de ses pièces et, insidieusement, les consume avant de les avaler. Frappé par l’égoïsme malsain du jeune couple, le lecteur se surprend à éprouver de l’empathie pour la prédatrice.
Si vous avez supporté le premier conte, c’est que vous êtes prêts à affronter le second, plus insolite encore. Le héros de Parmi les bêtes est un nourrisson humain abandonné dans une jungle à priori hostile. À l’image du jeune Tarzan, il sera élevé, nourri et protégé par des créatures monstrueuses. Devenu adulte, il raconte son enfance. Froidement, scientifiquement, il décrit le fonctionnement de la harde de monstres, qu’il ne s’est même pas donné la peine de nommer. Il décrit leur mode de vie, leur bienveillance à son égard, leur affection même, sans éprouver la moindre reconnaissance. Le dessin est original, froidement descriptif mais, au final, moins dérangeant que le scénario
L’artiste canadien Jesse Jacobs nous renvoie l’image d’une humanité bouffie d’ethnocentrisme et parfaitement incapable de communier, tels la maison carnivore ou le troupeau de monstres, avec l’énergie de l’univers. Pour paraphraser Blaise Pascal, le silence éternel de ces espaces infinis semble plus nous indifférer que nous effrayer.
Stéphane de Boysson