La musique et la culture du continent sud-américain était à l’honneur hier soir au Café de la Danse, avec un concert superlatif de Dom La Nena, multi-instrumentiste, chanteuse et compositrice sensible et surdouée.
Quelques semaines seulement après la consécration de Birds on a Wire sur la scène de l’Olympia, on retrouve Dominique Pinto, a.k.a. Dom La Nena, cette fois sans Rosemary Standley, au Café de la Danse, devant un public malheureusement plus réduit, ce qui paraît injuste quand on connaît la qualité de son dernier album, Tempo.
20h20 : En première partie, nous nous régalons avec Dino Brandão, un jeune artiste qui se présentera dans un français presque parfait comme Suisse Allemand, de père angolais. Il a une voix magnifique, et joue ses chansons mi-fantaisistes mi mélancoliques en les animant avec des arpèges sautillants – comme sa tenue sur scène, à la fois timide et amusée / amusante. Ses chansons sont légères et pourtant complexes, distillant un véritable petit enchantement… remarquable d’ailleurs pour quelqu’un qui raconte, avec modestie, jouer et chanter normalement dans les restaurants ! Plus beaux moments parmi 35 minutes inspirées : Loser qui revient sur un séjour en hôpital psychiatrique qu’il avait jugé très « inclusif », et Progress qui brocarde le progrès occidental à deux vitesses, souvent basé sur le colonialisme.
21h15 : Dom La Nena est elle aussi toute seule sur scène, mais avec son violoncelle, un ukulélé et une guitare électrique, un tambour et un mini-clavier, et surtout ses pédales magiques qui lui permettent de construire chacune des chansons en empilant des boucles, le set de ce soir sera tout sauf minimaliste ! Le concert démarre dans une atmosphère très recueillie, et il faudra bien se résigner à rester assis, le public ayant clairement décidé de ne pas danser ni trop se fatiguer. No tengas miedo est le premier enchantement de la soirée. Comme sur l’album Tempo qui sera joué en grande partie, on alterne entre chansons en espagnol et en portugais, avec quelques passages en français, comme sur Oiseau Sauvage. Avant de jouer une petite samba (uma « Sambinha »), Dom explique que 50% des Brésiliens, dont elle fait partie, ne savent pas danser la samba, mais demande à ce que des volontaires du public monter danser sur la scène (la première personne à oser le faire recevant un disque vinyle !), ce qui mettra une très belle ambiance amicale.
Retour malheureusement à la position assise – que nous évitons, quant à nous, en nous collant à la sono sur la droite, – alors que Dom La Nena vient, elle, s’asseoir sur le bord de la scène avec son ukulélé pour un moment intimiste, une fois encore très chaleureux. Comme avec Birds on a Wire, elle fait preuve de ce joli humour piquant qui stimule le public, voire le défie sur ses connaissances linguistiques (elle nous fait chanter La Nena Soy Yo) ou musicales.
Partageant avec nous les affres de sa maternité, elle nous explique que la seule solution pour que sa fille dorme est de lui jouer une version douce de Sonho Meu, une chanson de Dona Ivone Lara, première femme composant pour une école de samba carioca… : « Sonho meu, sonho meu / Vai buscar quem mora longe » (« Mon rêve, mon rêve, va chercher qui habite loin… »), les paroles sont magnifiques, de quoi avoir les larmes aux yeux. Le set se termine sur une interprétation électrique, plus tendue et moins souriante, de Moreno : « O Tempo é o inimigo de quem vive a esperar » (« Le temps est l’ennemi de celui qui ne vit que pour attendre… »).
Le rappel sera définitivement brésilien, avec en particulier une reprise très réussie de O Cometa de Rodrigo Amarante, du groupe brésilien Los Hermanos (et accessoirement peut-être plus connu des amateurs de rock pour sa participation à Little Joy), avec Dino Brandão en accompagnement au chant et à la guitare. Pour le second rappel, Dom fait monter sur scène un spectateur – qui se présentera comme Benjamin – qui s’était manifesté au cours du set : ensemble, ils interprètent au débotté Buenos Aires, une superbe chanson sur la capitale argentine où Dom a vécu… et surprise, surprise, Benjamin connaît bien la chanson, la joue et la chante très bien, ce qui nous vaut une clôture inattendue et originale de ce beau set de 1h10…
Belle soirée, qui aura forcément touché plus particulièrement les amoureux de l’Amérique du Sud, mais qui confirme aussi la parfaite maîtrise instrumentale et vocale d’une artiste singulière. Et qui n’en est, prenons en pari, qu’au début d’une brillante carrière. Viva Dom La Nena !
Texte et photos : Eric Debarnot