Whispering Sons au Plan, avec Guillaume Marietta, ça fait partie des concerts longtemps reportés, du fait de la situation sanitaire. De quoi nous attrister…
… parce que Whispering Sons, c’est à peu près ce qui se fait de mieux dans la noble tradition de l’urgence et de la tension à la Joy Division, et on avait hâte de pouvoir juger sur pièce – sur scène – les morceaux de leur impressionnant second album, Several Others.
Malheureusement, il y a peu d’affluence en cette soirée de départs en vacances, et le concert aura lieu dans la salle « Club » du Plan, certes plus intime.
20h20 : Guillaume Marietta rentre sur scène comme un furieux, devant une salle trop vide, trop calme. Guillaume est égal à lui-même, comme quand nous l’avons vu en août dernier : élégant, tranchant, légèrement inquiétant aussi, intense… comme sa musique qui oscille entre chaos psyché et poésie glam rock. Tiens, il y a quelque chose de Brett Anderson (de Suede…) dans son chant, sauf que Guillaume transforme chaque chanson en un happening de bruit et de fureur. Le public semble désorienté par ces changements de ton, ces ruptures dans des morceaux qui partent dans des directions surprenantes, et reste trop silencieux. La dernière partie du set est superbe, avec Prazepam St, une sublime version de Aluminium qui s’envole avant de se crasher dans un fracas assourdissant. Et puis Marietta nous abandonne au bout de près de minutes sauvages sur sa fantastique récitation – le livre à la main, depuis la fosse – du texte de Michael Jordan : une conclusion qui laisse tout le monde indécis, presque gêné. On aime ou on n’aime pas Marietta, mais il y a là une véritable démarche, et aussi une belle et saine colère.
21h20 : Le quintet bruxellois – originaire en fait de Limbourg – dont tout le monde parle, et qui est donc plus ou moins en pole position dans la riche scène Rock de Belgique, n’attirant guère qu’une centaine de personnes dans une salle de banlieue parisienne, c’est quand même rageant ! Et je pense que, comme pour Marietta, il y aura une certaine frustration à jouer devant une salle à peine pleine… Qui nous privera sans doute, nous qui sommes là, de la pleine intensité que ce groupe à la réputation impeccable est capable de délivrer. Nous n’aurons également droit qu’à une seule chanson en rappel, au lieu des trois habituelles…
Mais bon, même comme ça, ce que nous avons pu voir et entendre de Whispering Sons est impressionnant, très impressionnant même : quatre garçons et une fille tout de noir vêtus, suivant les règles du genre, une musique sombre, austère, pleine de tension et d’intensité, explosant de temps à autre dans de brèves explosions libératrices. Le modèle scénique de Fenne Kuppens, la blonde et… « sinistre » chanteuse, est néanmoins plus le Nick Cave de Birthday Party que Ian Curtis… même si les tonalités masculines de son chant très neutre peuvent évoquer aussi Nico… Et les claviers ont une importance centrale dans la musique du groupe, prenant régulièrement le dessus par rapport à la guitare de Kobe Lijnen.
La première explosion de violence se produit dès la fin du fabuleux Heat, et on se prépare donc instinctivement à vivre un set intense… La première demi-heure sera pourtant assez calme, jouant plus sur la répétition des motifs et sur une électronique sombre et une rythmique hypnotique (comme sur le final envoûtant de Wounded : « I walk Out Clean, set back to work, I do not stir, set back to work… »). Alone a la solennité classique de la cold wave, et sa combinaison mélodie – guitare carillonnante peut même rappeler les premiers efforts d’Editors.
C’est évidemment le redoutable Surface avec son rythme plus rapide et la voix de Fenne qui s’emballe (« So Close, so close… Suck Me In ! Suck Me In ! ») qui emporte complètement le morceau, enflamme le public et ouvre la voie à une dernière demi-heure très réussie, jusqu’à la conclusion logique – et envoûtante – de l’enchaînement Satantango / Surgery. Et nous n’avons malheureusement droit qu’à un seul titre en rappel, avec un goût de trop peu, alors qu’il n’est que 22h20, et que nous étions bien partis pour prolonger cette belle soirée.
En tous cas, malgré ce léger manque (possible) d’enthousiasme du groupe, et une guitare qui aurait supporté d’être mixée un peu plus en avant – surtout après la lave incandescente qu’avait déversé sur nous Marietta, sans pitié, lui, pour nos oreilles -, Whispering Sons ont confirmé ce soir leur excellence.
Il sera possible de les revoir bientôt en première partie de leurs compatriotes de Balthazar, mais face à une telle musique, nous souhaitons bonne chance à Balthazar pour enchaîner après Whispering Sons !
Texte et photos : Eric Debarnot
Whispering Sons – Several Others : Le retour des flamands noirs