[Netflix] Maid : une touchante énergie du désespoir

La nouvelle série de Netflix, arrivée assez discrètement, s’impose désormais comme la plus visionnée du mois avec l’indétrônable Squid Game. Pourtant, le registre de la chronique dramatique sociale n’est pas le genre de prédilection de la plateforme VOD. Alors , pourquoi ce succès ? Et pourquoi Maid est à découvrir d’urgence ?

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Le scénario, inspiré d’une histoire vraie et d’un roman autobiographique, rappelle les œuvres cinématographiques de Ken Loach ou des frères Dardenne : on suit le parcours compliqué d’Alex, de son départ du domicile conjugal avec sa fille de 3 ans pour fuir un mari violent, jusqu’au final qu’on ne dévoilera évidemment pas…parcours qui sera jonché d’incertitudes, d’espoirs, de moments dramatiques et difficiles à surmonter. Pour traiter tous les thèmes qu’embrasse Maid, la mise en scène choisit une classique chronologie des événements, mais du point de vue d’Alex : à la recherche d’un logement pour sa fille et elle, désormais jeune mère célibataire sans ressources ;  sa course au job, même très précaire, pour gagner sa vie et essayer de s’en sortir décemment ; ses tentatives de renouer avec ses parents au passé compliqué (mère folle à lier et père taciturne et absent) ; et le père de sa fille, alcoolique et porté sur les coups, toujours proche d’elle pour la reconquérir et revenir comme au premier jour de leur idylle…

Cette aventure dans l’espoir d’un avenir plus serein coche toutes les cases du réalisme social brutal et forcément émouvant : comme chez Loach, l’injustice, le mécanisme de la précarité qui se met en branle pour broyer les victimes du système, les maigres tentatives d’évolution qui finissent par s’écrouler, tout cela provoque évidemment chez le spectateur une puissante émotion. La plus-value, du coup, pour cette mini-série se situe sur les petites parenthèses aussi incongrues que souvent drôles, où Alex imagine la suite d’une situation, l’idéalise ou la déconstruit de manière cynique, relevant ainsi l’absurdité tragique du moment qu’elle est en train de vivre. Sans ces trouées imaginaires, l’accumulation des aléas de vie que subit l’héroïne pourrait lasser ou tendre vers l’excès de pathos.

Pourtant, c’est l’inverse qui se produit : on est happés du début à la fin par l’énergie de cette jeune femme à s’en sortir, malgré tous les obstacles ou les désirs parfois contraires et contrariés qui l’amènent à de mauvais choix, cette énergie portée également par une mise en scène qui n’hésite à se rouler dans la boue du réalisme zoomé à fleur de peau, et surtout, l’énergie portée par un casting impeccable : Margaret Qualley, qui nous avait puissamment ému en ado contrariée dans The Leftovers et chez Tarantino, est incroyable ici, notamment avec le duo qu’elle forme avec sa mère, à l’écran comme dans la vie, Andie McDowell (Paula). Quel plaisir aussi, du coup, de retrouver cette actrice qu’on adore, avec ce rôle de mère allumée et victime elle aussi d’une société américaine qui n’épargne pas les faibles…un personnage aussi fatigant qu’émouvant, que la comédienne campe avec force et justesse. Les beaux moments maternels (rares) qui se dégagent de leur jeu d’actrices parfaites illuminent le derniers tiers de la saison.

https://youtu.be/tGtaHcqsSE8

En filigrane de ce drame, à la croisée du documentaire et du thriller social contemporain, la question des violences conjugales est très justement soulevée : comment peut-on s’occuper de ces jeunes filles (ou mamans) sous l’emprise de conjoints dangereux, malheureux, qui osent s’affranchir et s’en libérer… mais qui finissement souvent par revenir vers eux ? L’ambiguïté des situations est ici finement exposée et pas mal de réponses sont envisagées. Avec en toile de fond, comme pas mal de films en ce moment (Nomadland, etc…), une Amérique des laissés-pour-compte, celle qui essaie de s’en sortir mais qu’on marginalise ou enfonce par tous les moyens. Le destin de cette jeune femme est un exemple de détermination incroyable pour essayer d’être juste quelqu’un dans un monde sans pitié.

Une mini-série nécessaire, donc. Et c’est assez rare chez Netflix.

Jean-françois Lahorgue

Maid, mini-série américaine de Molly Smith Metzler
Avec : Margaret Qualley, Andie McDowell, Nick Robinson
Genre : Drame social
Dix épisodes de 60 mn environ.
Diffusion : Netflix (octobre 2021)