Triste conclusion pour une série aussi brillante que Goliath, qui voit les scénaristes s’égarer entre visions oniriques pénibles et intrigue mal ficelée : on espérait beaucoup mieux pour dire adieu à Billy McBride !
Comment réaliser une nouvelle saison d’une série dont le personnage principal est mort à la fin de la précédente ? On peut jouer le flashback – et dans le cas de Billy McBride, l’as du barreau alcoolique et cynique, héros de notre chère série judiciaire Goliath, il y aurait tant de choses de son passé qu’on aimerait connaître. On peut aussi prétendre qu’il ne s’est rien passé, comme avec un Lapinot revenant de l’au-delà sans que personne ne s’interroge outre mesure, sa mort se voyant résumée au port d’un t-shirt noir approprié. N’importe laquelle de ces deux solutions aurait été meilleure que celle choisie par David E. Kelley, Jonathan Shapiro et leur équipe : le vieux coup usé du « eh bien non, il n’était pas mort », ou plutôt « Il était mort, mais les médecins l’ont ressuscité ! ». Et comme le cerveau de Billy en a pris en coup, nous avons droit à deux premiers épisodes lourdement peuplés de cauchemars, d’hallucinations, de visions distordues de la réalité, qui vont logiquement dissuader une bonne partie des téléspectateurs de poursuivre l’aventure Goliath : les références répétées à High Noon sont particulièrement déplacées et irritantes et nous donnent une furieuse envie d’en rester là !
On peut toutefois s’accrocher, car les épisodes suivants relèvent le niveau, et l’on retrouve cette excitation des saisons précédentes, avec la désormais habituelle lutte du petit David contre le méchant et énorme Goliath : cette fois, c’est Big Pharma, soit une cible bien dans l’air du temps, le sujet du procès étant la dépendance (bien réelle) de la population américaine aux opiacés provoquée par l’avidité financière des fabricants de drogues… Mais comme il faut bien compliquer les choses, Billy et Patty travaillent cette fois pour une grosse compagnie d’avocats de San Francisco, elle-même curieusement engagée dans des tractations secrètes. Le climat hivernal pluvieux et l’exotisme du quartier chinois de Frisco fournissent l’occasion au directeur de la photo et au(x) réalisateur(s) de nous proposer une ambiance fantomatique et une image onirique certes séduisantes, mais qui déréalisent largement – comme c’était déjà un peu le cas dans la saison précédente – les enjeux judiciaires et policiers, et nous éloignent aussi des personnages, qui semblent plus théoriques, plus froids qu’avant.
Et c’est dommage parce que Goliath sait toujours nous offrir des moments vertigineux où l’intrigue bascule de manière inattendue, de ces moments qui font revivre notre passion pour une série pourtant clairement en fin de parcours. Mais cette satisfaction s’avère de courte durée, finalement, car le dernier épisode brade de manière honteuse la conclusion judiciaire du bras de fer entre McBride et les bad guys – même si Bruce Dern et JK Simmons font tous deux, sans réelle surprise, un beau boulot ! – avant de boucler la série sur un happy end ridicule de réconciliation de McBride avec ses vieux démons.
Bref, une quatrième saison tout-à-fait dispensable, qui écorne les bons souvenirs que l’on aurait aimé garder de Goliath… et ce d’autant que même Billy Bob Thornton, bien dans son personnage, semble planer dans un état second tout au long de cette triste histoire et se révèle définitivement moins touchant qu’à son habitude.
Eric Debarnot