Après un nouvel album acclamé, Nine songs about love, voilà enfin l’un des espoir du folk (pop) US, J.E. Sunde sur une scène parisienne, pour une soirée à la fois intimiste et… rock’n’roll…
Plusieurs fois reporté, comme c’est le cas pour de nombreux artistes évidemment, le concert de J.E. Sunde à Paris pour le lancement de son album Nine songs about love a enfin lieu ce soir au Café de la Danse, mais n’est malheureusement pas complet, malgré les critiques louangeuses reçues un peu partout. Du coup le public est confortablement assis – et ne se lèvera pas – ce qui confère une ambiance à la soirée plus recueillie que chaleureuse. Ambiance un peu troublée par une photographe agitée et pas très pro qui irritera tout le monde et se fera rappeler à l’ordre.
20h05 : on commence avec Corentin Ollivier, jeune artiste originaire d’Angers, qui a fait auparavant du rock en groupe et de l’électro en solo, et qui se présente désormais seul sur scène avec sa vieille guitare qui se désaccorde (c’est lui qui l’affirme !). Il nous propose des chansons folk classiques qui ne retiennent pas particulièrement l’attention, malheureusement. Il nous annonce même une reprise – improbable ? – de LCD Soundsystem, mais que nous n’arriverons pas à réconcilier avec ce que nous connaissons du groupe, et finalement, qui ne tranche pas par rapport au reste des chansons. Peut-être devrait il composer et chanter en français pour pouvoir nous offrir quelque chose d’un peu plus original…? 40 minutes qui nous ont paru bien longues.
21h : J.E. Sunde est là avec deux musiciens – un bassiste et un batteur – pour étoffer sa musique, qui, elle, au contraire de la première partie, pourrait s’en passer. Car la voix de Jon est totalement étonnante, presque féminine parfois et incroyablement… « acide » en même temps. Parfaite pour chanter de la country traditionnelle en fait, même si, à deux ou trois exceptions près, ce n’est pas de la country de John compose, mais plutôt un folk rock soyeux, régulièrement nourri de mélodies facilement mémorisables.
Le set de 1h10, rappel de deux titres compris, abordera différents styles et différentes ambiances. On passera avec aisance de l’acoustique à l’électrique, et de la dérision légère dans la description sociale à l’émotion discrète. Pas d’excès de pathos ni de démonstration de virtuosité, on est dans une musique élégante, ancrée dans l’Amérique profonde (Jon vient du Wisconsin), mais ouverte à la lumière du monde. Le seul moment d’émotion véritablement intense, qui sera d’ailleurs suivi d’une très longue ovation générale, sera le délicat et poignant I Don’t Care To Dance, en solo acoustique : un morceau qui amène aussi sûrement les larmes aux yeux qu’une chanson de Nick Drake, auquel on compare parfois Jon (un peu abusivement à notre avis…), et qui constituera indiscutablement le sommet de la soirée.
Même si l’on aimerait beaucoup que Jon persiste dans cette veine « à haut degré d’émotion », il a choisi clairement d’interpréter ses chansons en format beaucoup plus énergique, rock’n’roll si l’on veut, ce que nous serions bien en peine de lui reprocher (même si, du coup, le concert aurait certainement mieux fonctionné avec un public debout !) : comme il le chante clairement sur Clover : « You say God died a long time ago / I guess I’ll try and find salvation then in rock’n’roll »… C’est bien ce qu’on fait tous, Jon !
A la fin, Jon remerciera longuement et chaleureusement les équipes françaises du label et de la production qui ont rendu possible ce concert. Et, en ces temps difficiles où, comme John l’a expliqué en présentant sa chanson We Live Each Other’s Dreams, un artiste est régulièrement envieux devant ses amis qui ont un boulot leur permettant de nourrir leur famille, il y a quelque chose d’émouvant et d’admirable aussi quand on pense à tous ces gens, même séparés par un océan, qui se battent pour que la musique et l’Art en général continuent à exister.
Une remarque, nous utilisons dans cette chronique le prénom de « Jon » pour Sunde, pour respecter les instructions qu’il a lui-même données, non sans humour ! « Je m’appelle Jon, J.E., c’est juste pour faire le malin sur les pochettes de disques ! ». Car ce mélange d’humanité et de modestie est peut-être bien l’une des plus belles caractéristiques de ce compositeur et interprète de talent.
Dernière partie du set bien énergique comme on aime, avant un rappel qui se termine en solo acoustique sur une nouvelle chanson inspirée par la thérapie de Jon : Blind Curve est une allégorie sur la foi que nous devons avoir quant à notre trajectoire au moment d’aborder un virage sans aucune visibilité. Une conclusion parfaite à une soirée musicale stimulante et parfois très touchante.
Texte : Eric Debarnot
Photos : Robert Gil