Avec leur second opus paru cette année, le duo Pandolfo-Risbjerg nous emmène dans un pays imaginaire qui évoque les grandes heures de la Bibliothèque verte, et où vont fleurir des histoires extraordinaires à partir des rencontres les plus improbables…
Mais qu’est-ce qui a donc poussé Sara à se rendre dans ce bourg perdu qu’est Sousbrouillard ? Est-elle venue pour y chercher des traces de son passé, elle qui fut élevée par sa tante sans rien connaître de ses parents ? C’est un petit ruban où est inscrit le nom de village, remis par cette tante mourante, qui va mener ses pas à la rencontre de personnages qui l’aideront peut-être à reconstituer le puzzle de son passé… A moins que tout cela ne soit que pure fiction et n’ait été créé par sa seule imagination…
Deuxième parution de l’année pour Pandolfo et Risbjerg, Sousbrouillard vient nous rassurer après un Don de Rachel un poil décevant. On retrouve ici tous les éléments qui pourraient définir le travail des deux auteurs : une histoire intrigante avec des personnages bien campés, le tout dans une atmosphère un peu inquiétante magnifiquement mis en image par Terkel Risbjerg.
Si la narration est plutôt touffue, avec plusieurs histoires dans l’histoire et un grand nombre de protagonistes, Anne-Caroline Pandolfo a su la rendre parfaitement fluide, ce qui n’était pas gagné étant donné le grand nombre de protagonistes. Il fallait donc le talent de cette scénariste qui n’a pas choisi ce métier par hasard, tant celle-ci, on le sent bien, adore conter des histoires et emmener ses lecteurs dans des univers où l’ordinaire se fait extraordinaire. De même, Pandolfo s’intéresse aux gens, qu’ils soient puissants ou tout en bas de l’échelle, et pour elle, chaque anonyme contient les bases d’un récit passionnant.
C’est le cas de Sara, personnage central du livre, sans passé et sans histoire… Lorsque cette jeune orpheline débarque dans le village de Sousbrouillard, guidée par un mystérieux bout de tissu mentionnant le nom de la localité et que lui a confié Tante Fine, sa mère adoptive, avant de mourir, le lecteur ne s’attend pas vraiment aux développements qui vont suivre, seulement intrigué par l’ambiance un peu glauque de cette petite cité perdue, au bord d’un lac que les habitants qualifient de « maudit »,et pour cause… Dès son arrivée, le village est confronté à la disparition inquiétante d’un jeune couple dans les eaux sombres du lac… Au fil de ses rencontres avec les habitants, Sara finira par découvrir des vérités sur son passé, l’occasion pour le lecteur de découvrir une galerie de personnages, tous représentés sur la couverture, du plus extravagant au plus insignifiant, chacun avec un rôle ou une histoire à raconter.
Empreint de poésie majestueuse, le dessin de Risbjerg magnifie comme toujours l’histoire par ses ambiances nocturnes et, fort logiquement dans le cas présent, brumeuses à souhait.
On pourra juste regretter que Sousbrouillard, « feel-good mélancolique » comme indiqué en quatrième de couverture, n’atteigne pas la force de Serena ou du Roi des scarabées. L’histoire, qui peut paraître invraisemblable, n’a au fond pas si grande importance, car ce dont parle le livre, c’est l’amour des histoires et des personnages, avec une variation sur les fluctuations de la mémoire, si bien que l’on se demande à la fin, dans ce final sublimement poétique, s’ils ont vraiment existé… Comme le dit Sara : « Plus j’y pense, plus je comprends que la mémoire est une fiction. Et mieux, je comprends ceci : tout ce que j’ai inventé m’est vraiment arrivé. »
Laurent Proudhon