On a assisté sur la scène de Petit Bain, dans l’ambiance indescriptible de fête rock’n’roll comme de bien entendu, à un superbe passage de témoin entre deux générations de rockers. Et c’était très excitant et très beau aussi…
On est en avril 1982 et le Palace, théâtre de nos plus belles nuits Rock parisiennes en dépit – ou plutôt en parallèle – des soirées très branchées qui s’y déroulent, est en feu. Sur scène, le plus beau groupe de garage rock de l’époque, que nous nommons d’emblée et sans hésitation « meilleur groupe scénique de la décennie ».
40 ans ou presque ont passé et les Fleshtones sont toujours là, toujours aussi bons malgré les années qui n’améliorent pas les articulations, mais ne font plus du tout la une des magazines branchés. Pire, nous avons le plus grand mal à convaincre les nouvelles générations de nous accompagner ce soir à Petit Bain où les Fleshtones donnent un concert annoncé il y a peu, et qui n’attire donc comme d’habitude qu’une majorité de déjà convaincus.
20h30 : Dynamite Shakers, à la fin de leur set furieux de 45 minutes, reprennent le Too Much Class for the Neighborhood des Dogs, bouclant merveilleusement la boucle, puisque les Dogs avaient ouvert pour les Fleshtones le 15 avril 1982. Et avec quelle énergie et quelle classe… au point qu’on ne se souvient pas, même en confrontant nos propres souvenirs avec ceux d’autres vétérans que les Dogs aient jamais été aussi bons ! Ce quatuor français joue du rock « by the book », et évoquent pas mal les Flamin’ Groovies, mais aussi un peu les merveilleux Plimsouls ou encore les Inmates, deux formations-clé lors du retour (définitif) du rock garage dans toute son énergie et son élégance… en moins pop et moins soul sans doute. Mais en plus dur, plus énergique : parfait, en somme. Propulsée par la frappe d’un batteur littéralement colossal, voici une musique qui insuffle une joie ineffable : chanson après chanson, car elles sont toutes impeccables, c’est une déferlante de riffs sauvages, comme on disait à l’époque bénie de notre innocence, avec une attitude scénique parfaite. Le chanteur transpire et est frénétique comme il se doit, le guitariste est en cuir noir et mignon comme un ange, la bassiste assure diaboliquement. Et ces très jeunes gens sont vêtus avec une élégance purement rock’n’roll qui tranche avec 2021, mais a finalement quelque chose de littéralement éternel. Et nous, on ruisselle de bonheur, épuisés d’applaudir aussi fort à la fin de chacune des chansons. Et de crier. Et de sourire. Sans doute l’un des meilleurs concerts de rock’n’roll que l’on ait pu voir cette année, et un groupe prometteur à suivre de très, très près.
21h30 : Mais est-ce vraiment raisonnable de continuer à jouer du rock garage à près de 70 ans ? C’est une question qui ne se pose pas très longtemps à un set des Fleshtones en 2021. Le temps d’accuser le coup devant les cheveux blancs, les traits plus flasques, les dentitions en danger, quelques minutes – ou même pas, en fait – d’hésitation… et puis on est repartis pour un tour. Car les chansons sont là… – pas les mêmes qu’avant, car, paradoxalement, Peter Zaremba, Keith Streng et Bill Milhizer (auxquels on a désormais le droit d’associer Ken Fox qui est là depuis plus de 30 ans quand même !) ne font pas dans la nostalgie, le passéisme ou je ne sais quoi dans le genre. Ils jouent des chansons qui sont nouvelles, sorties sur leurs derniers albums, et n’incluent dans leur setlist quasiment aucune vieillerie, à part l’inoxydable New Scene de 1983 ! Et surtout ils balancent la purée… Et peut-être même plus qu’à une époque où foutre le bordel et faire les clowns semblait parfois la priorité du groupe.
Streng, qui ne sourit pas plus qu’à l’époque, est resté un guitariste redoutable, s’appuyant confortablement sur la rythmique solide de Milhizer et Fox. Avec ces mecs-là qui assurent derrière lui, Zaremba peut passer une partie de son temps à organiser des petits jeux avec les spectateurs et à haranguer la foule pour bien rappeler que les Fleshtones sont là, nous aiment et jouent pour nous. Le français de Zaremba est devenu très acceptable après toutes ces années, et il reconnaît sans doute pas mal de ses fans qu’il fait monter sur scène. Il continue toutefois à jouer la provocation pince-sans-rire, et à exhorter le public à faire un peu n’importe quoi sans jamais nous adresser un sourire. Le jeu populaire des Fleshtones consiste désormais à demander aux spectateurs de tourner sur eux-mêmes, comme les musiciens le font sur scène, jusqu’à ce que l’étourdissement nous gagne, ce qui permet à Zaremba de nous interroger d’un air interloqué (et en français…) : « Pourquoi ? Mais, pourquoi ?… ». On s’amuse comme on peut, mais on s’amuse bien.
Signe des temps, quand même, et pas le meilleur, les Fleshtones font désormais des hommages : à Dominique des Dogs (la chanson Dominique Laboubée, qui cite justement Too Much Class for the Neighbourhood), à Charlie Watts (une reprise bien sentie de Child of the Moon des Stones), et surtout aux Ramones. Chacun a droit à son morceau mais celui « à la manière » des Ramones (Remember the Ramones !) est le plus efficace, reprenant joyeusement les codes de leur musique.
La setlist est bouclée en moins de 50 minutes, mais quand on connaît les Fleshtones, on sait que c’est là que les choses sérieuses (si l’on ose dire…) commencent : une floppée de rappels, formels mais surtout largement informels, Zaremba rappelant sans cesse ses musiciens qui quittent la scène, pour continuer à jouer, à brailler, à chanter, pour que « ça ne s’arrête jamais ! »… jusqu’à ce que ce soit la salle, alors que les onze heures du « couvre-feu » s’approchent, qui décide de couper le son ! C’est ça, la fête du rock’n’roll !
Mais s’il fallait conserver un seul souvenir de cette soirée, on a envie que ce soit ce moment magique des rappels, où les musiciens de Dynamite Shakers ont rejoint les Fleshtones, et où tout le monde a joué ensemble, d’ailleurs avec une facilité déconcertante (on imagine qu’il y avait eu une répétition un peu sérieuse avant) : ce brillant passage de témoin entre les « grands anciens » et les « petits jeunes » nous donne incontestablement de bonnes raisons de croire au futur du Rock’n’Roll !
Texte et photos : Eric Debarnot
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