Dans Le Dernier Espadon, nos deux intrépides gentlemen affrontent des terroristes irlandais alliés aux derniers nazis. Le rythme est désormais immuable : chaque année, nous bénéficions d’une livraison d’Astérix, Lucky Luke, Spirou et Blake et Mortimer. Que vaut le Blake et Mortimer/opus 28 ?
Bien qu’officiellement en semi-retraite, Jean Van Hamme (82 ans) est plus actif que jamais. Ainsi, le père de Thorgal, XIII, Lady S ou de Largo Winch, vient d’achever le scénario de la suite du Rayon U (1943) d’Edgar P. Jacob. Pour la série phare de ce dernier, Van Hamme retourne à la naissance du mythe, le triptyque du Secret de l’Espadon.
Dans Le Bâton de Plutarque, Yves Sente revenait sur les prémices de la grande guerre contre « l’Empire jaune » de Basam-Damdu. Le Dernier Espadon en est la suite immédiate. Des nationalistes irlandais s’associent à des nazis en fuite pour tenter d’assassiner la famille royale.
Le scénario est très malin. Tout en nous baladant du Royaume-Uni au Pakistan, il répond à de nombreuses questions laissées en suspens par Edgar P. Jacob. Des fondamentales, comme : que sont devenus les surpuissants Espadons ? Pourquoi n’ont-ils pas donné à l’Angleterre la suprématie sur le monde ? Puis, à d’autres, irritantes mais anecdotiques, telles que : pourquoi Blake est-il condamné au grade, subalterne, de capitaine ? Plus curieux encore, nous découvrons jusqu’à quelles extrémités peut aller une brave secrétaire du MI5 pour l’honneur de la patrie.
Les dessins de Teun Berserik et Peter Van Dongen sont honnêtes et conformes aux standards de la série. La simplification de certains décors facilite la visibilité de l’action. Des visages sont surprenants et quelques personnages raides, mais les véhicules et les bâtiments sont plaisants et, c’est l’essentiel, les Espadons sont toujours aussi beaux.
Pour ce (peut-être) dernier album, Jean Van Hamme est sombre. On y meurt beaucoup : multipliant les assassinats plus ou moins gratuits, les méchants sont très méchants. Plus grave, Blake et Mortimer découvrent – tardivement, la série fête ses 75 ans – la cruauté de la raison d’État. Il était temps.
Stéphane de Boysson