Mille Sabords ! Mon beau château ! est une amicale et érudite invitation à relire les albums de Tintin qui prennent la poussière – de vos bibliothèques.
Pierre Bénard se souvient avoir découvert Moulinsart et ses habitants – Tintin, Haddock, Nestor et Tryphon – lors de l’été 1957. Depuis, il ne les plus quittés. Sa connaissance de l’univers de Hergé force l’admiration : avouons qu’il sait tout !
En hôte parfait, il vous convie à visiter le château, pièces par pièces, de la cave au grenier. Ensuite, il vous mène dans le parc, vers les alentours et la ville proche. Il s’attarde sur des meubles, des bibelots et des souvenirs. Il saute d’un album à un autre avec élégance, opère des rapprochement, ose des comparaisons, émet des hypothèses. Sa plume est belle, son vocabulaire est riche, voire un tantinet précieux, et ses phrases roulent comme des billes dans les mains des enfants. Extrait : « Le château est le piquet d’or autour duquel tourne un ancien navigateur désœuvré. Toute vieillesse est un naufrage, toute retraite un échouage. Une seul fois on verra Haddock, qui, pourtant, a un fond dionysiaque, danser à Moulinsart. C’est quand la diva aura annoncé son départ. Son exultation de recouvrer une tranquillité qui peut confier au marasme. Les émotions vives poussent mal sous ce climat. »
Pierre Bénard nous partage sa passion et son étonnement de découvrir que le si familier château se révèle une construction irréelle, où les pièces se déplacent et se multiplient au gré de l’imagination fiévreuse de Hergé.
Hergé était un poète,
Mais un piètre architecte.
Il s’amuse à comparer le très classique Moulinsart à la gentilhommière du comte de Champignac, le savant compagnon de Spirou et Fantasio : « On est ici, avons-nous dit, à l’opposé du castel miteux de Champignac, où les portraits d’aïeux, pendouillant de travers, contemplent un mobilier éclopé des Galerie Barbès. Là, le doux comte Pacôme carbure au milieu d’un capharnaüm capitonné de toiles d’araignées, dans une odeur douçâtre de champignon moisi. Moulinsart est aussi poli, astiqué et dégagé que Champignac est poussiéreux, négligé et encombré. »
Je pensais bien connaître Tintin, or la majorité des références m’échappent. Par acquis de conscience, je me suis replongé dans Les Bijoux de la Castafiore. Sans surprise, il avait raison sur tout, il sait tout. Ce livre de passionné est une plaisante invitation à relire la collection.
Stéphane de Boysson