Du Mexique à l’Allemagne, de Mexico City à Berlin, du Krautrock au Post-Punk, Sei Still change de ville, de continent et (presque) totalement de style musical avec El Refugio. Une excellente surprise.
Entre Sei Still et El Refugio, respectivement les premiers et seconds albums du quintet Mexicain Sei Still se sont écoulés 18 mois. Sei Still a changé de ville et même de continent : de l’Amérique centrale au centre de l’Europe, de la capitale du Mexique à celle de l’Allemagne. Causes à effet (?), Sei Still a changé quasiment de style ! Si l’on doit à tout prix chercher des racines et faire des rapprochements, Sei Still a changé de décennie musicale de référence.
Après s’être ancré dans un style très krautrock – Blumenkrieg, Ladròn et Tàcticas de la Guerra Urbana, par exemple mais on pourrait aussi rajouter Emisiòn, ou presque tous les morceaux de Sei Still en fait -, c’est dans le post-punk que Sei Still s’installe. Ce style musical n’était pas totalement absent du premier album. Il perçait ça et là dans certains morceaux. Mais cela restait mineur, second. En tout cas, ce n’était pas ce qui était le plus évident à l’écoute. Avec El Refugio, le groupe a clairement choisi cette voie (sa voie?). Batterie métronomique et sèche. Basse omniprésent et métallique. Voix caverneuse qui déclame mécaniquement, plus qu’elle ne chante. Des guitares acérées qui hachent les morceaux. Ces éléments évoquent cette musique des années 1980. Le groupe les utilisent pour construire sa musique. Il se les ai appropriés. Et plutôt bien. Sei Still assume un (lourd) héritage.
En effet, tant il vaut mieux s’adresser au bon Dieu qu’à ses saints, c’est directement vers Joy Division/New Order que Sei Still s’est tourné pour chercher l’inspiration. Ni plus ni moins ! Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à mettre le premier morceau, Extrarradio, en écouter l’intro, et voir l’air halluciné des membres du groupe dans le clip ou écouter les dernières mesures de Soldados Caìdos ou El Refugio le morceau qui termine l’album. Difficile de ne pas voir la filiation!
El Refugio est aussi un morceau tendu entre la rythmique et la voix, un morceau sombre qui donne une impression de lenteur, de retenue. Un morceau solennel, qui semble accompagner une cérémonie secrète et macabre. Comme le bien nommé Las Puertas de la Noche, au rythme infernal et littéralement nocturne, ou El Peso de la Piel, aussi sombre que le précédent mais la pesanteur en plus. Etouffant. Oppressant. Il n’y a pas beaucoup d’espace pour respirer dans les morceaux d’El Refugio.
Pourtant après une ouverture très Joy Division/New Order, quand raisonnent les arpèges du second morceau de l’album, Me Persigue, on se prend à penser à Motorama, pour ne citer qu’un (bon) exemple récent de ce genre de musique. Cela se confirme sur Hombre Animal. Deux morceaux à qui la guitare donne un côté un peu sautillant renforcé par des lignes de basse tendues et lourdes. Mais pas des morceaux moins sombres que les autres, non. La voix d’outre-tombe et les cris du chanteur nous rappellent que l’ambiance n’est pas à la franche rigolade. Un Motorama sans la bonhomie et légèreté que le groupe de Rostov a su donner à sa musique. Un Motorama hargneux, gothique, désespéré.
Cela donne un album à l’ambiance tendue, nerveuse, presque hystérique. La rythmique est rapide, pourtant les morceaux donnent une impression d’inertie. Mais, il y a aussi dans la musique de Sei Still quelque chose d’excitant. Au-delà de la tension et de la nervosité, il y a de l’urgence, de la vitesse. Des pulsions qui font vivre les morceaux, qui donnent l’envie de se lever pour se dérouiller les jambes, de se jeter dans la mêlée. Exilio en est l’exemple parfait. Un des morceaux les plus rapides de l’album. Un morceau qui vibre véritablement, porté par une ligne de basse très mélodique, une batterie au tempo hyper-rapide, et toujours cette voix caverneuse mais que quelques accords de guitare parfaits éclairent.
Lumière sombre. Mais lumière quand même.
Alain Marciano