Sylvain Vallée et Mark Eacersall nous enchantent littéralement avec cette fabuleuse histoire de quête tardive et amicale !
Notaire à la retraite, Amédée Petit-Jean vit et s’ennuie dans son coquet pavillon de banlieue auprès de sa patiente épouse. Sa seule joie, il la trouve dans Joseph Seigneur, son voisin et unique ami. Rescapé de Dien Bien Phu, cet ancien légionnaire est né à Tananarive. Chaque soir, il lui raconte une tranche mouvementée de son existence. Petit-Jean connait par cœur sa vie aventureuse, mais il ne lasse pas de la revivre, soir après soir, par procuration. Jusqu’au jour où Joseph meurt, sans laisser d’héritier. Or, le notaire subodore l’existence d’un enfant non reconnu. Par fidélité amicale et conscience professionnelle, maître Petit-Jean se lance à sa recherche.
Jadis, l’histoire a été écrite par Mark Eacersall pour le cinéma. Le regretté Jean-Pierre Marielle devait jouer Seigneur. Le scénario associe habilement drame et comédie. Les rencontres improbables et les surprises s’enchainent, sans temps mort. Qualité rare, les nombreux seconds rôles sont merveilleusement écrits. La quête serait banale, si très vite le scénario n’intégrait des éléments fantastiques. Seigneur entend bien accompagner, réconforter et motiver son vieux compagnon. Avec lui, s’invite un bestiaire exotique, tout étonné de se retrouver dans le nord de la France, de Maubeuge à Lille, de Calais à Bruges.
Dans un style moins réaliste qu’à l’accoutumée (Katanga, Il était une fois en France), Sylvain Vallée s’est surpassé. Son Seigneur représente la sympathique synthèse de la gouaille de Jean-Pierre Belmondo et de l’assurance décontractée de Marielle. Son travail rappelle, en plus fin, celui de Paul Cauuet sur Les Vieux Fourneaux. Il croque de merveilleux légionnaires, croque-morts, entraineuses ou tenanciers de boîte de nuit. Bien que légèrement caricaturés, ses personnages sont criants de vérité. La parfaite alchimie entre le scénario et le dessin se révèle dans les nombreuses et admirables pages sans paroles.
Petit-Jean ira de surprise en surprises. Surmontant son lancinant mal de dos, le vieil homme se révèlera courageux et même audacieux. Tananarive semble prouver que l’aventure et l’exotisme ne sont pas à rechercher dans les lointains voyages, mais dans la capacité à s’émerveiller de notre monde habituel, quitte à le travestir. Un tout petit peu… pour mieux l’enchanter… et qu’il n’est jamais trop tard. Une belle et utile leçon.