Couverture épaisse, iconographie soignée, et abondante. Textes intéressants, interviews riches… Marc Godin et Aurélia Duflot Hadji-Lazaro nous emmènent à la découverte de cette icône du cinéma. Un livre de cinéma. Un livre d’histoire. Un livre de souvenirs. Une madeleine.
« Vous savez, quand vous êtes dans le métier depuis aussi longtemps, les gens s’habituent. Certains ont grandi en me voyant à l’écran. Plus on avance en âge, plus le sentiment de nostalgie prend de l’importance. J’imagine que je suis une part de leur nostalgie comme certains films ou certaines chansons me rappellent mon enfance et ma jeunesse. » Avec ces phrases de Clint Eastwood, que l’on retrouve page 24 du superbe ouvrage de Marc Godin, aidé par Aurélia Duflot Hadji-Lazaro, tout est dit.
Quelqu’un qui a commencé à tourner, en tant qu’acteur au milieu des années 1950 et en tant que réalisateur au début des années 1970, et qui continue à tourner et à jouer des décennies plus tard, ne peut pas être dans la mémoire collective. Eastwood est une icône, un monument. Un sequoia qui prend ses racines dans le passé et dont les derniers bourgeons éclosent sous nos yeux. Il y a celles et ceux qui sont assez vielles et vieux pour avoir vu ses premiers films et celles et ceux qui l’ont découvert plus tard et n’ont alors pas manqué d’apprendre que c’était une légende qui venait du fin fond de l’histoire… le milieu du 20e siècle ! Eastwood est là, pour tout le monde.
Pour le présenter, Marc Godin et Aurélia Duflot Hadji-Lazaro, ont choisi d’organiser leur livres en grandes sections : Eastwood de A à Z, Eastwood et la critiques, Eastwood vu par…, Les meilleures répliques, Clint dans le texte, D’un film à l’autre, et des chapitres écrits par décennies.
Les deux dernières sections sont les plus longues et certainement les plus riches et les plus intéressantes. D’un film à l’autre raconte, on l’aura compris, les films principaux qui jalonnent cette route sur laquelle Eastwood s’est engagé dans les années 1950. Les auteurs ont sélectionné certains des films de ce monument. Cela commence par Le bon, la brute et le truand (1966) et se termine avec Cry Macho (2021), en passant par Les proies (1971), L’inspecteur Harry (1971) ou Pale Rider (1985). Chaque film est analysé – le sujet, la genèse, son accueil, son bilan. Tout cela est ensuite repris et synthétisé – donnant lieu à quelques répétitions – dans les sections consacrées aux décennies de la carrière d’Eastwood.
On y apprend beaucoup La façon qu’a Eastwood d’envisager le cinéma – tourner en peu de temps et avec peu de prises –, l’intransigeance et l’exigence pour le travail – sa capacité à tourner des heures pour boucler des tournages en quelques semaines à peine –, ses amitiés – avec Don Siegel par exemple –, ses succès et ses échecs. On apprend aussi des tas d’anecdotes — qu’Eastwood n’aime pas tourner avec des chevaux parce qu’ils s’effraient d’un coup de feu ; qu’il n’avait particulièrement apprécié l’arrivé d’Eli Walach pour Le bon la brute et le truand ; ou qu’American Sniper était pour Steven Spielberg qui l’a refusé trouvant le sujet un peu sensible. Les spécialistes, qui lisent de la littérature sur le cinéma à longueur de journée, n’y trouveront peut-être pas leur compte. Mais tous les autres oui. Ils se régaleront de ces histoires réjouissantes. Car Sur la route de Clint Eastwood se lit comme on mange une madeleine. Avec gourmandise. En savourant ou, pour les goinfres, d’une traite, sans respirer, en se laissant griser par les souvenirs. Parce que lire un livre sur Clint Eastwood, c’est voyager dans son histoire et/ou voyager dans l’histoire du cinéma. C’est aussi, quand il s’agit d’un personnage qui s’est engagé politiquement et qui a fait des films qui ont souvent suscité la polémique, voyager dans l’histoire tout court.
Alain Marciano