Après La Fille du 14 juillet et La loi de la jungle, Antonin Peretjatko nous invite à nouveau dans son univers absurde avec cette fois un vaudeville. Un film sans doute un peu trop sage dans lequel on verra quelques clins d’oeil à notre époque actuelle.
Quiconque a succombé au charme d’Antonin Peretjatko ne peut que se réjouir de son retour : avec La Fille du 14 juillet et La loi de la jungle, le réalisateur avait proposé des comédies foutraques et pataphysiques on ne peut plus revigorantes, où l’absurde côtoyait le grotesque le plus franc, dans une liberté de ton qui ne craignait jamais les ratés. Les retrouvailles s’annoncent, dès l’ouverture, sous les meilleurs auspices, avec chasse à courre de gilets jaune, détricotage de pulls ou chien fumant la pipe. Philippe Katerine n’a évidemment pas besoin de beaucoup se forcer pour se plier aux déréglages du jeu, et Anaïs Demoustier succède vaillamment aux pochades de Vimala Pons.
On est néanmoins fort embarrassés de reprocher à Peretjatko d’avoir voulu se renouveler par rapport à ses deux précédents opus, en allant visiter les codes si rigides du vaudeville. Évidemment, l’improbable peut s’y révéler savoureux comme de voir Anaïs Demoustier se réfugier nue dans un étui à contrebasse, mais d’une manière générale, l’intrigue et ses ressorts (l’héritier, sa femme, la belle-mère acariâtre, le chauffeur amant…) restent trop la matière première d’un récit qui manque de vigueur et de décrochages. Certes, Antonin Peretjatko s’amuse encore avec des prises de vues improbables, une occupation des arrière-plans à la ZAZ (la sportive dans le parc, omniprésente jusqu’à l’absurde) une accélération légère des actions ou une voix off qui passe de la narration neutre au parti-pris le plus vulgaire, mais la langueur et l’ennui de la jeune épouse contaminent un récit qui dure pourtant moins de 90 minutes.
Le réalisateur prend néanmoins soin de ne pas s’enliser dans la naphtaline, et multiplie les passerelles entre l’époque originelle du vaudeville et l’époque actuelle, où les ultras riches sont totalement déconnectés du réel. De l’automatisation des caisses de la RATP à l’exil fiscal, de la théorie du ruissellement (de champagne) en passant par les bidonvilles de migrants, les piques pleuvent avec une insolence bienvenue, sans pour autant totalement dissiper la sagesse de l’ensemble. Car la rigidité des lieux et de l’intrigue, qui se voulaient fonctionner sur le principe de l’hommage, restent surtout des carcans.
On sait à quel point financer de tels films est difficile, et force est de constater l’aspect un brin conventionnel a sans doute dû aider le réalisateur à boucler son budget. Espérons simplement qu’il retrouvera tout son panache pour son suivant, qui s’annonce comme un film sur un vampire… effrayé par les filles et le sang, et adepte de la poésie. De belles promesses.
Sergent Pepper