La venue à Paris des vétérans belges du « metal alternatif », La Muerte, était un évènement, mais les conditions trop sages du concert et un son ne rendant pas justice à la voix ont malheureusement réduit l’impact scénique du groupe. A revoir très vite…
Quand on dit que le Rock Belge, non seulement va bien, mais est l’un des plus vivaces et créatifs du continent, il faut se rappeler que ce n’est pas là un phénomène récent, et qu’à l’inverse de la France qui a longtemps été à la peine dans le domaine, cela fait un moment que ça dure. Prenez l’exemple de La Muerte, eh bien c’est depuis 1983 qu’ils jouent leur « metal alternatif » de pointe… et même s’ils sont en quelque sorte officiellement séparés depuis 1994, ils sont à nouveau bien actifs depuis plus de cinq ans. Ce qui nous permet, en une seconde quinzaine du mois de décembre pauvre en opportunités de se faire bombarder de sons bien puissants – fin d’année, mais aussi retour du Covid obligent -, de les voir ce soir en concert au Centre Wallonie-Bruxelles…
Situé dans la pittoresque Rue Quincampoix, à deux pas de Beaubourg, le Centre Wallonie-Bruxelles n’est pas un lieu habituel pour les concerts de Rock, et d’ailleurs l’accès à la salle, et le concert par conséquence, sera retardé de 25 minutes du fait d’un colloque sur l’éducation qui n’aura pas respecté ses horaires ! Et quand on pénètre enfin dans le petit amphithéâtre, il faut bien dire que l’on réalise immédiatement que le Rock’n’Roll extrémiste de La Muerte semble un peu déplacé dans un endroit aussi policé… Même si le groupe a installé son matériel et son décorum (croix lumineuses à l’envers, plat surmonté d’un crâne sur lequel se consument des bâtonnets d’encens…) sur la scène – enfin ce qui en tient lieu car il n’y a pas d’estrade devant les gradins -, on ressent presque de la réticence en s’asseyant dans les confortables sièges de cinéma qui nous sont proposés… en sachant que cela sera bien difficile d’apprécier la musique à sa juste valeur.
20h55 : le quintet de la Muerte attaque enfin son set, et, si le fait qu’il y a très peu de lumière ne surprend pas quand on connaît le groupe, qui joue généralement dans la pénombre, le son sera clairement un problème ce soir : du fait de l’absence de sono, on n’entend que les amplis – heureusement, nous sommes en face de l’ampli de Dee-J, donc certains de nous régaler -, et la voix de Marc Du Marais sera à peine audible durant les 55 minutes du set !
On attaque dans la « zone de confort » du groupe et du public par le classique des classiques I Lost My Hand, extrait de leur second album, datant de 1989, Death Race 2000. La tête recouverte d’un sac en toile de jute du plus bel effet – c’est-à-dire nous renvoyant d’emblée dans l’univers cinématographique de Tobe Hopper -, Marc hurle comme un damné sur ce titre des plus extrémistes… relativement en vain, puisque nous n’entendons que 10% de sa voix ! Black God, White Devil, avec son riff très stoogien, nous rassure : au moins, nous allons pouvoir profiter des très beaux riffs de guitare que balance Dee-J, avec une classe folle : cuir noir et cheveux blancs, un style tranchant dans la meilleure tradition des grands killers !
Dans la salle, ça headbangue et ça balance les jambes, mais il faut reconnaître que la position assise n’aide pas l’expression des sensations extrêmes que doit provoquer ce genre de musique. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, le public de fans restera sagement assis pendant tout le set (suivant docilement les instructions reçues…), mais la frustration est forte… et nous n’osons même pas imaginer ce que ressent le groupe de devoir jouer ainsi ! C’est le très punk Evil Land qui suit, mais on aimerait pouvoir hurler à pleins poumons « Evil Laaaaaaand !!! » avec Marc.
Les morceaux vont s’enchaîner ainsi, avec un groupe qui appuie en permanence sur le champignon, devant un public trop calme. Le spectacle offert par le quintet est régulièrement superbe, avec un mélange d’effets de lumière parcimonieux mais frappants, de projections saisissantes de clips extraits de films d’horreur, et de poses rock’n’roll classiques. Le metal sanglant de Couteau dans l’Eau, avec son texte en français, nous propulse vers la fin du set, qui se conclut avec la fameuse – et très pertinente – reprise du Lucifer Sam du Pink Floyd, dans une version évidemment radicale, dont on imagine que ce vieux Syd aurait aimé l’approche : déviante, brutale mais finalement respectueuse de ses visions et de sa folie.
Malgré nos cris, il n’y aura pas de rappel : effet du couvre-feu qu’impose la localisation de la salle puisqu’il est bientôt 22h, pratique habituelle du groupe, ou déception devant les conditions du concert ? Nous aurions pourtant aimé une version atomique et décadente de Wild Thing ! Ce sera pour la prochaine fois, espérons-le…
Texte et photos : Eric Debarnot