Même si la SF est devenue monnaie courante sur Netflix, on accueille avec plaisir The Silent Sea, une série plus « hard science » que la moyenne, avant de déchanter peu à peu…
Dans un futur proche, la terre est devenue un désert et l’eau est la richesse la plus précieuse qui soit. La Corée envoie une équipe d’astronautes et de scientifiques inspecter une base lunaire abandonnée depuis plusieurs années, où tous les chercheurs et les militaires coréens qui y travaillaient auraient péri irradiés suite à un accident inexpliqué. Ce que nos vaillants héros (enfin, on se comprend…) vont découvrir est bien différent de l’histoire officielle…
Voilà le pitch de la série The Silent Sea – 고요의 바다, soit « Mer Calme », ce qui semblerait désigner la Mer de la Tranquillité en coréen -, un nouveau thriller de SF mis en ligne par Netflix, en 8 épisodes. S’il n’y a pas cette fois de réalisateur star aux commandes, la série bénéficie de la présence de l’excellente Bae Doo-na, certainement l’actrice coréenne la plus connue chez nous, après ses rôles marquants chez les Wachowski (Cloud Atlas, Sense 8), chez Bong Joon-Ho (The Host) et Park Chan-Wook (Sympathy for Mr. Vengeance) mais aussi chez le Japonais Kore-eda (Air Doll), ce qui constitue quand même un beau pédigrée ! A ses côtés, on retrouve Gong Yoo, la star de Last Train to Busan, mais il faut bien reconnaître tout de suite qu’il ne fera guère d’éclats dans The Silent Sea, semblant perpétuellement mal à l’aise dans le rôle peut-être trop ambigu pour lui du chef de l’expédition.
Il y a deux grandes forces dans The Silent Sea : d’abord son sujet, qu’il vaut mieux ne pas dévoiler et qui repose sur une sorte d’énigme scientifique originale ; ensuite son parti-pris d’un huis clos oppressant dans le centre de recherche, dont on parcourt inlassablement les couloirs sombres et les salles mystérieuses à la recherche de la vérité, mais où les personnages trouveront le plus souvent le danger, voire la mort. Il y a quelque chose des deux premiers films de la série Alien dans The Silent Sea, et ce n’est pas un mince compliment de notre part. Le tout est supporté par un budget conséquent, qui permet une reconstitution crédible de lieux pourtant fictifs, et s’il ne restait çà et là quelques incohérences technologiques ou scientifiques pour gâcher un peu la fête, on pourrait dire qu’on est vraiment sur le haut du panier en termes de Science-Fiction « sérieuse ».
La série ouvre des pistes intéressantes sur les sujets de la morale et de l’éthique scientifique quand les enjeux sont élevés, de la concurrence dans l’espace entre les sociétés privées et les gouvernements, surtout lorsqu’il est possible de profiter d’une situation globale cataclysmique, et, d’une manière générale – et plus classique – de la confiance que l’on peut accorder à l’autre dans des situations extrêmes, mais n’en fait finalement pas grand-chose, comme si l’action primait forcément sur la réflexion.
L’autre problème, malheureusement tellement courant dans la série TV, est que le plaisir subtil du respect des règles de base d’unité de temps, de lieu et d’action est gâché par le délayage intensif pratiqué par les scénaristes : passer près de 7 heures à errer dans des couloirs, c’est quand même beaucoup, ou il faudrait tout au moins un vrai talent de mise en scène, soit pour matérialiser ce vertige existentiel que l’histoire pourrait facilement générer, soit pour transformer The Silent Sea en un vrai thriller horrifique, ce qu’il n’arrive jamais à être. Sans nous ennuyer franchement, The Silent Sea nous indiffère peu à peu, et la montée finale de tension, assez stéréotypée, ne suffit pas à rattraper la sauce.
Si l’histoire peut se poursuivre, en toute logique, en une seconde saison, il faut bien avouer qu’il est difficile d’en voir la nécessité…
Eric Debarnot