On peut toujours compter sur la musique, et en particulier sur la folk pop raffinée de Helen Ferguson et Julien Pras, pour nous rasséréner le temps d’un trop court concert, organisé hier après-midi par Life Is A Minestrone.
Triste reprise – ou quasi-absence de reprise, en fait – en ce tout début d’année 2022. Avec la virulente cinquième vague de la pandémie et un nouveau variant encore plus contagieux, nous voilà donc, de nouveau, face à l’interdiction de nos concerts. Et aux annulations de tournées dont les annonces se succèdent chaque jour.
Pour lutter contre la déprime qui s’installe, on peut heureusement toujours compter sur tous ceux, qui à leur niveau, se battent pour que la musique – live en particulier – existe même en temps de… « guerre ». Comme nos vaillants amis de Life Is A Minestrone qui ont immédiatement adapté les conditions du « concert privé » de Queen of the Meadow pour qu’il puisse bien avoir lieu : jauge réduite, sièges, pass sanitaires, pas de buffet à l’intérieur, tout bien pour que rien ne laisse à désirer, et surtout qu’on puisse quand même assister à un bel évènement !
Queen of the Meadow, duo folk de Bordeaux, c’est Helen Ferguson, d’origine américaine, qui compose et chante, accompagnée par Julien Pras, qui fut apparemment son professeur avant de la rejoindre. L’originalité de cette soirée, c’est que nous aurons le plaisir d’enchaîner deux sets, d’abord celui de Julien, soutenu par Helen, puis celui de Queen of the Meadow.
Il est 17h45, tous les invités sont arrivés, et Julien Pras – qui sera donc accompagné d’Helen, aux vocaux, à l’autoharpe et / ou à la guitare acoustique à partir du second morceau – nous embarque tout en douceur dans son univers de chansons pop intimistes. Julien, malgré sa discrétion, et cette sorte de timidité qui se dégage de lui, est une figure importante de la scène Rock de Bordeaux : il a fait partie de Calc, groupe qui fit une belle impression dans les années 2000 (on se souvient en particulier d’une ouverture du set de The Coral à l’Elysée Montmartre en 2007 !), et il est surtout aujourd’hui le chanteur-guitariste de Mars Red Sky, spectaculaire groupe de rock stoner atmosphérique… soit un registre en apparence opposé à celui dans lequel il officie ce soir !
A chaque fois qu’on l’a vu sur scène, ce qui nous a frappé chez Julien, c’est sa voix étonnante, très haute, une voix qui – même si l’on n’aime pas ces comparaisons forcément réductrices – évoque celle du regretté Elliott Smith ! Sa musique, elle, est souvent plus pop que traditionnellement folk : avec des accords et des arpèges complexes, une indéniable précision dans les mélodies, et l’aide des harmonies vocales assurées par Helen, il se dégage de son set de 35 minutes une sorte d’intimisme heureux du plus bel effet. On appréciera particulièrement la reprise d’une chanson pop de l’un de ces projets précédents, Victory Hall, plus enlevée que le reste. On termine sur une magnifique interprétation du précieux Junk, extrait du premier album solo de McCartney, soit une référence parfaite pour Julien.
18h40 : Après une petite pause, Helen et Julien ont échangé leurs rôles pour le set de Queen of the Meadow. La musique est de fait très différente, plus traditionnellement folk sans doute, mais toujours aussi enchantée par le travail vocal du duo. Comme sur le dernier album, le très accompli Survival of the Unfittest, dont les titres constituent la majorité de la setlist, les chansons de Helen sont plus amples, parfois plus lyriques, avec de belles montées d’intensité (dont on se dit d’ailleurs qu’elles seraient encore plus fortes supportées par des instruments électriques !).
« If you are my lucky star, then I’m your honeymoon… », voilà le genre de phrases enchantées que la voix de Helen plante comme des petites graines dans nos cœurs, et qui métamorphosent cette fin d’après-midi pluvieuse passée en compagnie d’amis mélomanes pour qui la vie est un minestrone : il est beau, il est doux de se laisser aller au fil de cette musique qui semble semer du bonheur.
Mais attention, les chansons de Queen of the Meadow ne sont pas toutes heureuses, loin de là, et le set monte en puissance dans sa seconde partie, avec un Smother – avec ses formidables vocaux en « ah, ah, ah » – splendide. Les effets de claviers ajoutés à la pédale sur la guitare de Julien ajoutent encore plus de profondeur au texte troublant (très psychanalytique !) de la chanson : « Daughter, may you shout louder, ‘Cause I need a light to embrace your thunder ! I had found a way to carry on, but I loved you wrong… Say mother, you smother me ! ».
The King and the Hoe, dont Helen dit redouter de le jouer sans batterie et basse, passe parfaitement : plus dur, plus tendu, plus bruyant (un peu…). « Tu vois, c’était bien ! », dit Julien, en conclusion. Et en effet, c’était bien. Mieux que bien. « I thought our bond is strong, you’d reach me from beyond… » : on termine ces 45 minutes par la plus belle chanson du nouvel album, Honey.
Mais, comme on n’a pas envie encore de les laisser partir, Helen nous fait la surprise de ce qu’elle annonce comme une reprise « punk », ce qui présente le défi de « dire des gros mots avec classe » : bon, « I ain’t no goddamn son of a bitch ! », ce n’est pas si choquant que ça, et Helen ne manque jamais de classe, d’autant que sa version folk de la chanson des Misfits ne dépare pas avec le reste du set…
Et voilà, c’est fini : il ne nous reste plus qu’à retourner dans l’hiver du Covid, en espérant la prochaine respiration musicale, qui nous permettra de tenir le coup.
Texte et photos : Eric Debarnot
Bonjour
Par pure curiosité combien de concerts vus totalisez vous à ce jour?